Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

28 février 2006

Succession japonaise


Panique chez les plus traditionnalistes au pays du soleil levant ! Les brus de l'empereur, âgées respectivement de 39 et 42 ans, n'ayant toujours pas engendré d'héritier mâle, le gouvernement japonais envisage de faire voter une loi autorisant les femmes à hériter du titre impérial. Hérésie dont se fait l'écho Nature cette semaine. Quelques conseillers traditionnalistes ont alors eu une drôle d'idée : selon eux, seuls les porteurs d'un chromosome Y impérial peuvent légitimement porter le trône. En effet, comme la lignée impériale est essentiellement mâle, le seul chromosome d'essence réellement divine est évidemment le chromosome Y. J'imagine que les généticiens consultés ont dû bien rigoler : évidemment, par effet de dérive génétique, la plupart des citoyens ordinaires japonais portent ce même chromosome Y . En fait il est même possible que n'importe quel "Gaijin" pourrait prétendre au trône japonais avec un critère pareil : en effet, Ayala a montré dans un papier de Science (disponible sur JSTOR) que tous les hommes descendent d'un Adam ayant vécu il y a environ 270000 ans. C'est d'ailleurs une bien triste histoire sur laquelle je reviendrai peut-être dans un billet, car Adam n'a en fait jamais rencontré Eve...
Toujours est-il que cette histoire montre comment on peut se tirer de belles balles dans le pied en essayant de chercher des justifications scientifiques à tort et à travers. Cette histoire est d'autant plus étrange que dans le panthéon shinto, l'empereur tire sa divinité du fait qu'il descend d'Amaterasu, qui est en fait une déesse ! Au final, tout ce débat sera peut-être occulté par le fait que la femme du second prince attend un heureux événement dans un peu plus de sept mois...

22 février 2006

Evolution de la spéciation 2 : rideau de fer chez les souris !!!


Contrairement à ce que pensent les ID, il est possible à l'heure actuelle d'observer un événement de spéciation. Cela se passe en Europe, et concerne nos amies les souris. Il y existe deux genres de souris : Mus domesticus et Mus musculus. Chacun de ces genres occupe un territoire : il y a une souris occidentale et une souris orientale, et la ligne de partage suit de façon grossière l'ancien rideau de fer... Même si cette ligne est relativement précise, il existe une zone où ces deux souris coexistent, et, surprise, peuvent même s'hybrider. Payseur et al. ont alors regardé s'il existait certains marqueurs spécifiques sur les chromosomes X de chacune de ces deux espèces (le chromosome X semble idéal pour ce genre d'étude, car les mâles n'en ont qu'un, donc j'imagine qu'il est possible d'avoir des mâles hybrides fertiles lorsque les femelles sont stériles... encore un avantage d'avoir quelques mâles !). Je reproduis ci-dessous une de leurs figures, représentant la fréquence d'un allèle de domesticus en fonction de la distance : pour l'allèle de droite, on voit clairement où se trouve la frontière. Cette allèle est donc très probablement spécifique à domesticus (et à mon avis rendrait les femelles hybrides stériles : ce serait un des allèles dont je parlais dans mon billet précédent). Au contraire, l'allèle de gauche est répandu de part et d'autres de la frontière : celui-ci ne rend pas les souris stériles, et il semble même qu'il y ait une sélection positive chez musculus...


L'article en question peut se trouver ici; les références sont Payseur, B.A., J.G. Krenz, and M.W. Nachman, 2004. Differential patterns of introgression across the X chromosome in a hybrid zone between two species of house mice. Evolution 58: 2064-2078.

18 février 2006

Pourquoi le sexe est bon


Non, non, ce billet n'est pas une nouvelle tentative pour gonfler l'audience de mon blog, mais bel et bien une discussion sur l'évolution du sexe.
L'une des questions posées par l'évolution est en effet de savoir pourquoi l'immense majorité des animaux et végétaux utilisent la reproduction sexuée. Une bonne vieille parthénogénèse serait bien plus efficace d'un point de vue évolutif : une femelle se clonant laisse deux fois plus de ses gènes dans la génération suivante qu'une femelle faisant appel à un mâle (petite parenthèse terrible pour les machos : oui, nous mâles ne sommes pas capables de porter des enfants et donc ne servons pas à grand chose du point de vue de la reproduction. Un article du Monde (Qui se souvient de M.J. ? par André Pichot pour les non-abonnés) au moment des affaires sur le "clônage humain" évoquait même l'existence d'au m oins un cas avéré de parthénogénèse humaine. Et non, Jésus n'était pas une femme ! fin de la parenthèse). Pourquoi et comment le sexe a-t-il été sélectionné ?
L'hypothèse retenue est que le sexe permet la recombinaison génétique, et donc l'élimination de mutations "génantes". Le principe est qu'avec le temps, la lignée de la femelle parthénogénétique accumule des mutations délétères, qui amènent finalement à l'extinction de sa lignée quand le code génétique est trop cabossé. Avec un bon brassage génétique, les mauvaises mutations disparaissent vite et il ne reste que les bonnes mutations.
Cette hypothèse vient enfin d'être démontrée dans un article de Science de cette semaine (Paland et Lynch, Science, 2006, 311, 990-992). Paland et Lynch ont comparé des lignées différentes de daphnies. Récemment, certains mâles ont acquis une mutation supprimant la meiose, et donc la production de gamètes, ce qui fait que les femelles de ces lignées n'ont d'autre choix que de se cloner pour survivre. Mauvaise idée ! Paland et Lynch ont démontré que le taux d'accumulation de mutations délétères dans ces lignées est quatre fois plus important que chez des lignées ayant conservé la reproduction sexuée. Conclusion : oui, le sexe est bon, et utile ! Nous, mâles, avec notre mortalité aigue, avons donc malgré tout une certaine utilité...

14 février 2006

50e billet !!

Tout est dans le titre. Merci à vous, chers lecteurs! J'aurais voulu atteindre ce chiffre rond pour les six mois de ce blog, mais je n'ai malheureusement pas pu tenir le rythme. Cela dit, cela fait en moyenne un billet tous les 3-4 jours, je trouve que cela n'est pas si mal.
J'ai récemment mis un petit compteur sous la colonne de gauche, à l'heure où j'écris ces lignes, il y a déjà eu 57 visites sur ce blog. Sachant que j'ai mis ce compteur en place il y a une grosse semaine, je trouve que ce n'est pas mal ! Ce compteur me permet également d'avoir la liste des URL pointant sur mon blog. J'ai pu ainsi constater avec surprise que chez wanadoo, "théorie des super cordes" pointe sur mon billet " Science : théorie des cordes et intelligent design", ou que "iconographie joseph arimathie" chez yahoo pointe sur mon billet "Lecture : Joseph d'Arimathie". Cela ne m'inspire guère confiance sur la pertinence de ces moteurs de recherche. Merci également pour vos commentaires, de plus en plus nombreux ! Bisous, comme dirait Nicole.

Economie virtuelle

J'inaugure avec cette note une nouvelle rubrique, bien loin des considérations actuelles sur l'évolution (qui demeure néanmoins mon sujet favori du moment, n'en doutez pas !). Parlons donc un peu jeu vidéo !

Je suis tombé aujourd'hui sur cette note sur www.gamekult.com :

Soucieux de l'économie fragile des serveurs de Final Fantasy XI, Square Enix indique avoir banni de son MMORPG plus de 700 comptes de farmers d'or comme on les appelle, ces joueurs organisés récoltant 24h sur 24 et 7 jours sur 7 de la monnaie dans le jeu (ici, des gils) pour la revendre ensuite contre de l'argent réel.


Petite traduction pour les néophytes : Final Fantasy XI est un MMORPG ( ce qui signifie Massive Multiplayer Online Role Playing Game, autrement dit "jeu de rôle massivement multijoueur en ligne) . Le RPG est un style de jeu très populaire (surtout au Japon, et de plus en plus dans le reste du monde- c'est mon style préféré !) et bien particulier, trouvant son inspiration dans les jeux de plâteau type "Dongons et dragons". Dans les RPG classique, on incarne en général un aventurier, dont le destin sera rien de moins que sauver le monde. L'intérêt du RPG repose en général sur un scénario plein de rebondissements, digne des meilleurs films. Le joueur entre réellement dans une aventure complexe, se composant d'une succession de quêtes. Tout au long de ce cheminement, l'aventurier virtuel devra combattre de nombreux ennemis. Les combats sont très importants dans un RPG : d'abord, ils constituent la phase la plus importante du jeu. Ils demandent en général une bonne dose de stratégie. Les combats permettent également de gagner des objets et de l'argent permettant d'avancer dans la quête principale.

Avec le développement de l'ADSL sont apparus les MMORPG. Je n'ai jamais pratiqué, étant un intégriste du RPG "old school" ! Les univers classiques des RPG sont en général très vastes : les MMORPG vous convient dans un monde virtuel. Dans ces jeux, les éléments des RPG classiques sont en place : quêtes, combats, argent. La différence est que cette fois, vous intéragissez avec d'autres joueurs, menant eux aussi des quêtes en parallèle. Parfois, il vous faudra même "collaborer" avec ces autres aventuriers (c'est un côté qui m'énerverait probablement si j'y jouais, le RPG est en effet selon moi un plaisir solitaire...)

Revenons à la note de gamekult. Final Fantasy est l'une des séries phares du RPG (avec Dragon Quest, tous deux édités par la société Square-Enix, issue de la fusion des deux meilleurs éditeurs de RPG). FFXI, comme on dit, est le seul épisode online de la série. J'ai donc appris dans cette note qu'il y avait des gens qui gagnent leur vie en jouant à ce jeu vidéo toute la journée pour d'autres ! Il est vrai qu'on a besoin de beaucoup d'argent dans un RPG classique (pour acheter la meilleure arme possible, par exemple), et les combats sont en général la seule façon de gonfler son compte en banque virtuelle. Seulement combattre prend du temps, et il y a donc des gens prêts à payer pour ne pas perdre ce temps... Il y a quelques mois déjà, je me souviens avoir lu qu'un coréen (je crois) avait été condamné par la justice de son pays pour avoir revendu sur ebay une arme rare (virtuelle) prêtée par un de ses amis. En fait, on a vraiment l'impression que les fantasmes d'un univers virtuel parallèle à l'univers réel sont en train de se réaliser, avec ses travailleurs, ses bandits, ses classes sociales, et sa criminalité. Une économie peut se mettre en place, avec des répercussions non négligeables dans le monde réel, et jouer au RPG devient une activité qui peut devenir lucrative... A vos manettes !

08 février 2006

Coraux et daltoniens...


Dans la série "I love Darwin", je suis tombé récemment sur un article de Science ( Vol. 305. no. 5689, p. 1433, 2004) qui constitue une preuve expérimentale directe d'un mécanisme d'évolution graduel.

Imaginons que vous soyez un corail, voulant briller de mille feux sous l'eau pour frimer, et attirer les touristes et les poissons. Vous avez alors intérêt à mettre au point tout un tas de pigments pour égayer les fonds marins et épater la galerie aquatique. Effectivement, les coraux disposent d'une palette de pigments, allant du vert au rouge, en passant par le bleu. Néanmoins, la composition chimique de ces pigments est assez complexe : en fait, vous avez besoin de groupes chimiques assez compliqués pour ne pas vous contenter du vert "Hulk" et afficher un joli teint de rose. Du coup, la question qui se pose est de savoir si les pigments actuels sont tous des rouges ayant lentement dégénéré vers le vert et le bleu dans certains cas, ou si au contraire, l'évolution a réussi le prodige d'ajouter les groupes chimiques supplémentaires nécessaires.

Ugalde et al. ont alors étudié les séquences génétiques correspondant à ces pigments. Leur tour de force est d'avoir réussi à retrouver, par simple étude des séquences, la phylogénie des pigments et surtout différents candidats pour les ancêtres successifs des pigments. Ils ont alors synthétisés ces ancêtres potentiels (sur la photo) : à chaque embranchement est placé un ancêtre "reconstitué". O miracle de l'évolution : si vous n'êtes pas daltonien, vous pouvez voir clairement comment un pigment de base vert a lentement dérivé vers le rouge, confirmant l'interprétation darwiniennede l'évolution de ces pigments...

06 février 2006

Darwin


Un petit billet pour vous dire que je suis allé voir la fameuse exposition Darwin au musée d'histoire naturelle de NY. Cette expo retrace l'histoire de la vie et du cheminement scientifique de Darwin, depuis son enfance passée à collectionner les insectes jusqu'à son enterrement en grande pompes à Westminster. L'expo est très bien conçue et très pédagogique. On apprend beaucoup sur la personnalité de Darwin, qui semlait être quelqu'un de très humain, bon père et bon mari. Il a par exemple attendu près de quinze ans avant de publier ses travaux, de peur sans doute de choquer l'Angleterre encore très religieuse. Sa femme elle-même a longtemps lutté contre lui, et se lamentait du fait qu'ils ne pourraient se retrouver ensemble au paradis à cause de ses "blasphèmes"...

Cette exposition m'a vraiment profondément marqué. J'ai été impressionné à la fois par l'énergie de Darwin, par sa rigueur scientifique, par ses choix de vie et par ses interrogations légitimes. En illustration, j'ai mis la photo de la page du carnet de Darwin, sur laquelle il a tracé le premier arbre phylogénétique. J'aime beaucoup le "i think" en haut de la page. Du coup, je n'ai pas pu resister à l'envie de m'acheter ses oeuvres majeures, et ai bien sûr commencé par l'"Origine des espèces", qui me semble déjà passionnant... Et puis, j'ai remplacé Dieu par cette page du carnet de Darwin pour la bannière de ce blog : cela me semblait plus approprié !

01 février 2006

Je suis un survivant...



Suite à un commentaire de Nicole dans un billet précédent, je suis allé sur le site de l'INSEE récupérer la démographie en France en fonction du sexe et de l'âge. Grâce à gnuplot et à Perl, vous pouvez voir ce que cela donne sur le graphique de gauche. Les hommes sont en bleu et les femmes en rouge. Je trouve le résultat assez étonnant : il naît d'abord clairement plus de garçons que de filles. Ce n'est probablement pas une fluctuation statistique puisque la proportion fille/garçon reste à peu près constante jusqu'à 15 ans. Plus étonnant, à partir de 15 ans, on voit clairement que les hommes tombent comme des mouches ! Evidemment, c'était connu, mais je ne pensais pas que cette inflexion arrivait si jeune ! Gasp, j'ai du mal à m'en remettre, serions-nous plus fragiles ? Ou tout simplement plus risque-tout... Evidemment, il y a un effet de loupe dû à l'échelle, mais j'ai bien l'impression que les jeunes garçons ont effectivement un taux de mortalité plus élevé, si bien que le rapport fille/garçon approche 1 autour de 30 ans (ce qui doit correspondre à peu de chose près à l'âge moyen de naissance du premier enfant, la nature est bien faite, même si je pense que c'est une coincidence). Mon hypothèse foireuse quant au mécanisme de contre-sélection des don-juans s'effondre d'un coup !

Et tout cela ne s'arrange pas avec l'âge comme on peut le voir sur les deux belles exponentielles ci-dessous...