Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

29 mai 2006

Mère patrie dernière ?

Bonjour à tous,
juste un petit post pour vous dire que ce blog va rester calme pendant encore quelques jours, puisque je fais un aller-retour express en France cette semaine (le dernier avant quelques mois vraisemblablement...).
En attendant, je vous propose d'aller faire un petit tour sur le site du Figaro qui nous informe que le problème existentiel de la poule et de l'oeuf a enfin été résolu... En gros, la première poule n'a pu sortir que d'un oeuf d'une autre espèce. Je ne sais pas si cela résout vraiment le problème ! Moi, cette histoire de la poule et de l'oeuf, j'ai plutôt l'impression que cela ressemble au théorème du point fixe...
Allez, à +
Tom

24 mai 2006

Scientifiques: tous fraudeurs ?

Vous vous souvenez peut-être du gros scandale scientifique de l'hiver dernier : la communauté découvrait, éberluée, que l'une des plus importantes découvertes scientifiques de ces dernières années, à savoir la possibilité de fabriquer des "cellules souches" humaines, n'était qu'une vaste supercherie, qu'un ensemble d'expériences truquées reposant sur un habile photomontage ! En fait, comme l'expliquent Rossner et Yamada dans un article récent de Journal of Cell Biology, les manipulations de données, volontaires ou non, sont en fait assez fréquentes. Sans aller jusqu'à la fraude éhontée, il est parfois tentant pour le chercheur soumis aux contraintes du "publish or perish" d'enjoliver voire de sélectionner certains résultats plus conformes à l'hypothèse de départ. Il dispose alors d'une arme redoutable, sorte d'EPO des labos, j'ai nommé : Photoshop ! En effet, rien n'est plus convainquant qu'une jolie photo d'une cellule colorée avec le bon marqueur au bon endroit pour appuyer une hypothèse un peu provocante sur la localisation inattendue d'une protéine... et rien n'est plus facile que d'amplifier, voire d'ajouter un petit point de couleur à l'endroit voulu !
Afin de lutter contre cette dérive, les grandes revues scientifiques disposent maintenant d'éditeurs spécialisés dans l'analyse d'image. Ceux-ci disposent de méthodes et d'algorithme afin de détecter les images artificiellement modifiées. Sur l'illustration ci-dessus, on voit par exemple comment les chercheurs ont "rajouté" des cellules sur leur illustration afin de renforcer leur propos. Rien de bien méchant ici donc : il y a en fait tout un continuum entre la simple inattention et la fraude pure et simple. Mais l'impression du lecteur est en quelque sorte biaisée : un chercheur réalisant la même expérience et n'observant pas la même densité de cellules pourrait passer plusieurs semaines à essayer d'améliorer son protocole pour obtenir le même résultat... Car la fraude scientifique pénalise avant tout et en premier lieu les scientifiques eux-mêmes. Selon Rossner, certains chercheurs peuvent, en orientant en toute bonne foi la présentation de leurs résultats, en arriver à se tromper eux-mêmes ! Alors, quand le renouvellement de votre tenure, votre avancement de carrière ou des enjeux financiers sont en jeu... Moralité, et comme dirait Karl Zéro, même en science, méfiez vous des contrefaçons !

Référence : Rossner et Yamada, Journal of Cell Biology, Volume 166, Number 1, 11-15

21 mai 2006

Tout et rien, n'importe quoi...


Dimanche pluvieux à New York... J'en profite pour surfer sur le net et faire un billet totalement free style...


  • Je viens de découvrir un site d'enigmes assez amusant, ouverture facile , si vous vous ennuyez au bureau... Les enigmes sont plus ou moins difficiles, il faut jouer de google, parfois du code Ascii, ou du lecteur mp3, mais c'est assez rigolo... Je me suis arrêté au niveau 7 (après il faut tripatouiller des fichiers sons, je n'ai pas le courage cet après-midi)

  • Je ne comprendrais jamais les Américains... Durant la semaine, ils passent des heures à faire de la muscu et à suer dans ce qu'ils appellent le "gym". Rien de plus chiant que courir sur des tapis roulants, mais bon, il paraît qu'ils le font pour être beaux (et en bonne santé). Et que font-ils le week-end sur les pelouse de Central Park ? Ils jouent au frisbee... Cela m'a démoralisé de voir ces jeunes gens musclés entre 20 et 30 ans s'envoyer une soucoupe d'un bout à l'autre de vastes étendues gazonnées. Mince alors : un simple ballon de foot, et on joint l'utile à l'agréable ! Est-ce si difficile de concevoir qu'on peut, en même temps, faire du sport et s'amuser ?

  • Si j'en crois le Figaro, l'Eurovision était très animée cette année . Les Finlandais ont une bonne tête de vainqueur !

  • Apple vient d'ouvrir un nouvel "Apple store" sur la cinquième avenue , juste à côté de FAO Schwartz, le magasin de jouet. A dix minutes à pied de chez moi. Cela a l'air complètement fou : le magasin est ouvert 24h sur 24, apparemment, il y a eu beaucoup de recherche pour la déco, les services à offrir. C'est LA destination à la mode ce week-end : depuis trois jours des barrières sont installées devant le magasin pour canaliser la foule (la queue pour rentrer fait plusieurs centaines de mètres de long !). Des vigiles avec micro et oreillettes patrouillent sur la grande place pour empêcher tout incident. Hallucinant ! J'y vais de ce pas (enfin si je peux rentrer, rien n'est moins sûr !)


20 mai 2006

Lecture : la part de l'autre


Le monstre Hitler était-il humain ? Si les circonstances avaient été différentes, aurait-il pu devenir un autre Adolf H. ? Eric-Emmanuel Shmitt (EES) évoque dans ce pavé de 500 pages deux destins divergents, celui du dictateur sanguinaire et celui du peintre qu'il aurait pu devenir...
Ce livre m'a beaucoup plu, même si je n'ai pas toujours été convaincu par le propos parfois très freudien. Le tour de force majeur à mon avis est d'arriver à nous faire comprendre le monstre, sa logique froide, son manque de compassion, son délire qui sont totalement remis en perspective. L'auteur propose une interprétation psychanalytique de la névrose d'Hitler : ainsi Adolf H. ne s'accomplit vraiment que lorsqu'il dépasse la haine de son père, accepte la mort de sa mère, et découvre dans le même temps la Femme. Au contraire, le raté Hitler, "dictateur vierge" et hystérique, sublime sa frustration dans la quête du pouvoir absolu, au nom des intérêts suprêmes de l'Allemagne. Le plus terrifiant dans cette vision de l'intérieur est que sans jamais l'excuser, le lecteur comprend les ressorts logiques d'Hitler, ce qui l'amène à s'interroger sur lui-même bien sûr.
Car le message sous-jacent transmis avec brio (car vécu par le lecteur de l'intérieur) est que chacun d'entre nous contient une part du monstre. Adolf H. et Hitler ne sont que les deux faces d'une même pièce : même névrose initiale, et donc même personnalité à l'ego à la foi fort et faible, à tendance hystérique. La différence, c'est qu'Adolf H. se retrouve bien entouré et prend conscience de ses problèmes pour les résoudre et les transcender dans l'art tandis qu'Hitler préfère une solitude confortable qui l'empêche de se regarder tel qu'il est, donnant toute lattitude au monstre intérieur pour le dévorer. La question terrifiante qui se pose alors au lecteur est de savoir comment utiliser à bon escient son libre arbitre - s'il existe-, comment trouver le bon chemin. Hitler et Adolf H. finissent par s'affirmer et par exister, mais l'un devient un salaud, l'autre un type pas trop mal (même si contrairement à certains, je n'ai pas une très grande sympathie pour Adolf H., en particulier je le trouve parfois trop léger dans son rapport avec les autres et les femmes en particulier)...
Comme l'explique Koz, le journal d'écriture d'EES en annexe vaut aussi le détour, le jeu de miroir avec le texte principal est intéressant. Il y aurait beaucoup d'autres choses à dire sur ce livre, en particulier toute la réflexion sur le doute, sur la part de l'autre dans nos vies, sur la signification de nos actes vis-à-vis d'autrui, sur la définition de ce qu'est un salaud... mais je vous laisse le soin de lire par vous même en espérant vous avoir donné envie de découvrir ce livre.

17 mai 2006

Billet Express


Allez, un petit "bloc-note" pour changer, deux petits points sur nos amis les singes dans le nouveau Nature...
  • On commence soft : Kate Arnold and Klaus Zuberbühler y publient un article concernant la réponse d'une race de singes ( Cercopithecus nictitans, source photo http://www.cercopan.org) à différentes formes de cris. Ils mettent en évidence l'existence d'une "syntaxe" simplifiée. Ainsi, le cri 'pyow' informe les animaux de la présence d'un léopard, le cri 'hack' informe les animaux de la présence d'un aigle. Cependant, la séquence 'pyow-hack' a aussi un effet. Les singes ont été suivis à l'aide d'un GPS, et les chercheurs ont montré que 'pyow-hack' déclenche un mouvement des singes (fuite) tandis qu'ils restent immobiles après émission de séquences de 'hack'. Ce travail montre donc que la combinaison des sons peuvent avoir des significations différentes...

  • Je garde le meilleur pour la fin... Une étude de Patterson et al. a comparé la divergence génétique entre hommes et chimpanzés, en fonction de la position dans le génome. Grosse surprise : si en moyenne les gènes ont divergé l'un de l'autre il y a environ 6 millions d'années, la divergence entre les chromosomes X est beaucoup plus récente. Cela signifie que les ancêtres des hommes et des chimpanzés ont échangé des chromosomes X entiers pendant très longtemps. Autrement dit, bien après l'événement de la spéciation, hommes et chimpanzés ont continué à se reproduire entre eux, produisant vraisemblablement des hybrides mâles stériles et des hybrides femelles fertiles (un peu à l'exemple de ce qui se passe avec les souris actuellement en Europe centrale). Non content de descendre du singe, l'homme n'a donc pas eu que des relations platoniques avec lui...


C'est fini pour aujourd'hui !
PS : vous trouvez pas qu'il est mignon notre ami Cercopithecus nictitans

16 mai 2006

Physique et Intelligent Design

Quelques réactions à chaud sur un post que je viens de lire... Comme vous le savez, je vais régulièrement faire un petit tour sur uncomment descent, un des blog de référence de mes amis les ID. Un billet récent a repris un article de physics today racontant quels étaient les problèmes de biologie pouvant intéresser la physique. L'article de physics today vous en dira plus sur le pourquoi du comment de l'intérêt de la physique pour la biologie, mais là n'est pas mon propos : ce qui m'intéresse - comme souvent je dois le dire avec l'intelligent design- ce sont les réactions des créationnistes sur ce blog.

Etonnamment, nombreux sont ceux qui croient que si les physiciens s'intéressent à la biologie, ils vont forcément découvrir la "vérité" et montrer que ces diables de darwinistes ont nécessairement tort. J'aurais eu plutôt tendance à penser a priori que les créationnistes mettaient tous les scientifiques dans le même panier. J'avoue que cela m'a un peu soufflé : biologiste et physicien ont quand même en commun la méthode scientifique, il n'y a aucune raison que la même méthode donne deux résultats différents. En fait, quand on lit les commentaires, il faut bien le dire, les ID ont l'air de prendre les biologistes pour des crétins (probablement car ils "croient" en l'évolution), et voient les physiciens comme des espèces de pionniers, découvreurs de la vérité cachée de l'univers. Est-ce dû aux succès extraordinaires de la physique théorique ? Ou bien au fait que plusieurs physiciens ont des affinités sérieuses avec le courant ID ? En tous cas, ce qui est sûr et comme je l'expliquais dans un billet il y a déjà quelques temps, il y a certainement des points communs entre ID et certains physiciens ayant un peu dérivé (comme Dembski d'ailleurs) sur le fait de vouloir trouver une explication, un sens au monde (au lieu de se contenter de simplement le comprendre tel qu'il est). Certains se tournent vers Dieu, d'autres vers la théorie du tout, mais ce n'est d'une certaine façon que deux faces opposées d'une même pièce (et certains affirmeraient même probablement que Dieu est la théorie du tout...).

Un autre aspect dans les commentaires qui m'étonne est l'attitude des créationnistes face aux mystères, à l'incompris dans les sciences du vivant . Les physiciens s'étonnent et s'émerveillent, à juste titre, devant la complexité, l'organisation, l'optimisation dans le vivant, et y voient des champs de recherche excitants. Autrement dit, les physiciens, devant un problème, ici les mystères de la vie, adoptent une attitude scientifique dans le sens où, ne comprenant pas certains aspects, ils décident de se donner les moyens de les étudier afin d'améliorer notre connaissance du monde. Or, quelle est la réaction des ID ? En somme, ils s'arrêtent à cette complexité constatée : ils jubilent car les physiciens soulignent que le vivant est très compliqué, et continuent immédiatement sur un mode philosophico-religieux. Si les physiciens disent que le vivant est extraordinaire, c'est donc qu'il est magique, voire divin en quelque sorte... Je trouve cette réaction tout à fait étonnante, et totalement anti-scientifique : le but des physiciens est évidemment de compendre ce côté extraordinaire pour le rendre ensuite en quelque sorte intelligible donc ordinaire et c'est ce que les physiciens comme les biologistes ont toujours fait. Car après les mesures et la constatation de propriétés fascinantes, il faut proposer des théories simples, permettant d'expliquer les observations, validées par la méthode scientifique. Imagine-t-on Newton constater les propriétés fascinantes de la gravitation, s'arrêter là et affirmer que c'est en fait Dieu qui porte la Lune sur ses épaules ? Pourquoi serait-ce différent dans les sciences du vivant ? L'un des projets actuels des physiciens intéressés par la biologie en particulier est de comprendre comment l'évolution darwinienne peut amener l'émergence de cette complexité, de cette optimalité. En ce sens, les ID ne se rendent pas peut-être pas compte que les physiciens, loin d'être des alliés, pourraient bientôt devenir de nouvelles bêtes noires...

15 mai 2006

Gènes du développement : le French Flag Model


Le réseau génétique à la base de la formation des différents segments des insectes est à la fois simple et élégant. Prenons l'exemple de la segmentation de la drosophile dans une version ultra-simplifiée. La maman mouche, lors de la ponte, attache des ARN messagers d'une protéine appelée Bicoid à un pôle de l'oeuf (qui comme tout oeuf qui se respecte est ovale). Ces ARN sont ensuite traduits et la protéine est produite et diffuse dans l'oeuf. Seulement, comme ces ARN sont très localisés, la concentration de Bicoid est inhomogène : il y a plus de protéines près du pôle où sont localisés les ARN. Il se forme donc un gradient de protéines Bicoid : cette protéine est davantage concentrée vers le pôle de l'embryon.

Or Bicoid est ce qu'on appelle un morphogène : cela signifie qu'en fonction de sa concentration, les cellules vont réagir et connaître des destins différents. Grosso-modo, les cellules exposées à de fortes concentrations de Bicoid vont donner des cellules de la tête, celles exposées à de moyennes concentrations, des segments thoraciques, tandis que celle exposées à de faibles concentrations vont donner des cellules de la queue. En fait, concrètement, il y a différents seuils d'activité de Bicoid, ce qu'on décrit commodément à l'aide du "French Flag Model", proposé dans les années 60 par Lewis Wolpert. Deux seuils d'activation permettent de définir trois régions : à concentration haute de morphogène, les cellules ont un destin bleu, à concentration moyenne un destin blanc, et à basse concentration, un destin rouge.

Evidemment, le schéma général est un peu plus compliqué, mais cette figure très simple avec une inhomogénéité spatiale initiale d'un morphogène qui détermine des destins cellulaires différents est une constante dans le vivant et à ma connaissance, la formation de la quasi totalité des membres et des organes repose sur un tel mécanisme. Comme vous vous en doutez peut-être si vous avez lu mon billet d'introduction sur les gènes du développement, de nombreux morphogènes (dont Bicoid) sont des gènes Hox (ou en dérivent).

Réference : plein d'animations flash et de références sur FlyMove !

12 mai 2006

Le troisième chimpanzé ?

Il y a un peu plus de trente ans, Mary-Claire King et Allan Wilson publiaient dans Science une première comparaison entre les protéines humaines et celles des chimpanzés (dans un article apparemment classique mais néanmoins introuvable à l'ère de l'électronique). L'une des conclusions fortes de ce premier papier était que les protéines des deux espèces étaient bien trop proches pour expliquer les différences entre celles-ci. Les régulations entre gènes sont donc bien plus importantes que les protéines elles-mêmes pour expliquer nos différences. (Pour les plus motivés, Sean Carroll, grand spécialiste des gènes du développement, s'en est fait récemment l'écho dans Plos biology dans un article assez long, mais presque lisible pour le profane, qui plus est disponible gratuitement, joie des revues gratuites sur Internet !)
Notre humanité repose-t-elle donc uniquement sur la réorientation de quelques régulations génétiques ? En fait, on s'aperçoit de plus en plus de la difficulté de définir cette humanité, ce qui ferait blêmir d'horreur nos ancêtres convaincus de la place privilégiée de l'homme au sommet de la création. Jared Diamond, dans son livre "Le troisième chimpanzé", insiste lourdement sur la proximité des génomes respectifs des humains et des chimpanzés. En fait, humains, chimpanzés et bonobos sont les trois derniers descendants d'un même ancêtre commun ce qui incite certains à considérer l'homme comme le véritable "troisième chimpanzé" et, démocratie oblige, à rebaptiser l' "Homo sapiens" "Pan sapiens"... Beaucoup d'ouvrages et de travaux récents traquent l'humain chez l'animal, et posent sérieusement la question de notre spécificité. Ainsi, comme le relate Eric Dupin sur son blog à l'occasion d'une revue, chimpanzés et humains partagent de nombreux traits sociaux. Darwin déjà avait montré que les animaux exprimaient des émotions sur le visage tout comme les humains, ce qui laisse penser que l'origine évolutive de ces traits remonte à très loin. A vrai dire, même le rire ne semble plus nous appartenir en propre depuis qu'on a découvert qu'il existait chez ... les rats ! Alors ce qui fait la spécificité de l'homme, est-ce son langage, sa culture transmise de génération en génération ? Jared Diamond, toujours lui, explique que des rudiments de langage ont déjà été observés chez certains singes, qui poussent des cris différents en fonction de la nature du danger par exemple. L'art n'est plus spécifiquement humain non plus depuis qu'on a découvert que les chimpanzés et même les éléphants aimaient s'adonner à la peinture (en captivité il est vrai). Quant à d'autres activités que l'on croyait spécifiquement humaine, l'exemple de l'agriculture, inventée il y a 50 millions d'années par les fourmis est assez éloquent... Et à mon avis, nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! Non, définitivement, l'homme n'est qu'un chimpanzé comme un autre !

Source image : cliquez ici !

08 mai 2006

Génétique des populations, cosanguinité et dérive génétique


Considérons deux être humains tirés au hasard, par exemple vous et votre conjoint(e). Sauf exception, à vous deux, vous avez quatre parents différents, huit grand-parents différents, seize arrière grand-parents, etc... Si on compte qu'une génération dure environ 25 ans, il est facile de voir qu'il y a 1000 ans, soit 40 générations, à vous deux vous devriez compter plus de mille milliards d'ancêtres. Beaucoup plus que le nombre d'êtres humains ayant jamais existé... Il y a donc nécessairement un problème aigu de cosanguinité ! La diversité génétique n'a donc en fait rien à voir avec la taille de la population, et en réalité, nous partageons d'un individu à l'autre de nombreux gènes en commun, à l'image des chromosomes Y pour l'empereur du Japon.
La modélisation de l'évolution de la diversité génétique de telles populations révèle des propriétés assez surprenantes. Considérons par exemple le modèle le plus basique, appelé modèle de Wright-Fisher. Dans ce modèle, on considère une population finie, de taille N. Chaque individu est caractérisé par un gène présentant deux allèles (par exemple A et a) dans une population diploïde (deux allèles par individu). A chaque génération, la population est modifiée, et pour chaque nouvel individu (enfant), on choisit au hasard les deux nouveaux allèles avec des probabilités proportionnelles aux fréquences des allèles dans la population parente. On étudie l'évolution statistique des populations des allèles A et a dans cette population, en négligeant les mutations dans un premier temps.
Ce modèle très simple a déjà des propriétés intéressantes. Ainsi, quoi qu'il arrive et quelle que soit la population de départ, un calcul élémentaire de probabilités montre qu'au bout d'un certain temps, un des allèles disparaît complètement. C'est ce qu'on appelle la fixation, et c'est ce qui explique que même sans avantage évolutif, une mutation peut se répandre dans toute une population, pourvu qu'elle soit finie - ce qui est en général le cas :-) . L'ensemble de ce processus de fixation dans une population finie due à de simples fluctuations stochastiques est un phénomène appelé "dérive génétique".
En fait, l'effet de dérive génétique est tel que si l'on tient compte de relations de parentés d'une génération à l'autre entre les allèles, on peut montrer très simplement qu'au bout d'un certain temps, tous les allèles dérivent d'un même allèle ancestral. Autrement dit, tous les individus finissent par descendre du même ancêtre ! Intuitivement, cela est simplement dû au fait que comme la population est finie, et comme les enfants sont faits aléatoirement, certains individus ont beaucoup d'enfants au détriment d'autres qui en ont très peu (comme Genghis Khan !) si bien que nécessairement le nombre de lignées diminue avec le temps, jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une (exactement comme dans Highlander en fait... d'ailleurs, Genghis Khan n'est-il pas le méchant d'Highlander III ?). Plus subtil et un peu plus dur à montrer mathématiquement, le nombre moyen de générations nécessaire à cette coalescence des lignées est exactement 2N dans ce modèle simple. En fait, même dans les modèles plus compliqués, l'effectif de la population est très important pour déterminer de nombreuses propriétés du système. Cela a conduit les scientifiques à définir la population "effective" d'une espèce. Cette population est en gros le nombre d'individus à considérer pour avoir les mêmes propriétés en terme de polymorphisme génétique dans la population réelle que dans une population idéale type Wright-Fisher. Etonnament, cette population effective n'a en général rien à voir avec la population typique observée. Par exemple, pour une colonie de bactéries de mille milliards d'individus, la population effective est typiquement 1 puisque toutes les bactéries dérivent du même ancêtre. Pour l'espèce humaine, la population effective est de l'ordre de 10 000 individus, ce qui est peu (à peine un gros bourg !) et beaucoup à la fois (on est très loin d'Adam et Eve !)...

02 mai 2006

RDV le 8 mai


Bonjour à tous,
tout est un peu fou en ce moment, je ne sais plus où donner de la tête, et je suis bien obligé de délaisser un peu mon blog.
Désolé ! Je pense poster de nouveaux billets plus fouillés après mon retour à New York, le 8 mai. En attendant, vous pouvez toujours laisser des commentaires...
Histoire de mettre un peu de contenu dans ce billet néanmoins, j'ai récemment lu un bouquin assez intéressant, Freakonomics, traduit il y a peu en français. J'avoue que les critiques étaient si flatteuses que je suis un peu resté sur ma faim, mais je pense que ce livre vaut néanmoins le détour. L'idée de base est simple : répondre à des questions de la vie de tous les jours avec une approche quantitative. C'est de l'économie/sociologie en somme. Les résultats, s'ils sont globalement originaux, sont néanmoins parfois assez convenus. Parmi les exemples intéressants, les auteurs arrivent à dépister par de simples statistiques la triche dans les combats de sumo ou encore dans les évaluations nationales des élèves de primaire (triche des professeurs dans ce cas-là, dont les avancement/primes dépendent des performances de leurs élèves... un cas intéressant à l'heure où l'on parle de primes au mérite pour les fonctionnaires !). Autre étude : la façon dont les agents immobiliers vendent leur propre maison par rapport à celle d'autrui. Ou encore l'évolution de la fréquence des prénoms en fonction de la couche sociale et du temps, révélant que les prénoms de "riches" tendent avec le temps à gagner les classes plus "populaires".
L'un des passages les plus drôles du bouquin relate l'expérience d'infiltration du Ku Klux Klan par un militant des droits de l'homme, qui a trouvé un moyen très original pour ridiculiser les habitudes et rituels de ce groupe sinistre. Je vous laisse la surprise. J'avoue que je me suis bien bidonné dans le métro !
Allez, à bientôt
Tom