Les
transposons sont des séquences génétiques un peu folles, pouvant littéralement "sauter" d'un gène à l'autre ou s'intégrer aléatoirement dans différentes parties du génome. A l'origine de certaines maladies génétiques, on les qualifie parfois de séquences ADN parasites, et on pense que les rétrovirus tels que le SIDA sont peut-être d'anciens transposons ayant pris leur indépendance...
Toujours est-il que les transposons sont des outils très intéressants pour les chercheurs. On savait intégrer des transposons dans des organismes simples. Une étape capitale vient d'être franchie : on sait maintenant intégrer des transposons dans les génomes de mammifères.
L'équipe de Tian Xu, à Yale University, a réussi à intégrer un transposon appelé piggyBac dans le génome des souris. Seulement, ils n'ont pas voulu faire les choses à moitié : afin de reconnaître les souris ayant intégré les transposons dans leur génome, ils ont attaché au transposon une protéine fluorescente. Du coup, les souris mutantes se reconnaissent d'un seul coup d'oeil, comme démontré sur la photo !
Chouette des souris fluos... Quel intérêt me direz-vous ? Et bien, c'est en fait une petite révolution (enfin c'est ce qu'a dit Tian Xu durant la conférence à laquelle j'ai assisté)... Car les transposons cassent les séquences génétiques dans lesquelles ils sont intégrés. De plus, Tian Xu a démontré que ces séquences mutées se transmettaient à la descendance des souris. Voilà donc le topo : on a un moyen facile de faire des mutations très localisées à l'aide de cet outil. De plus, les mutants sont très facilement reconnaissables : une fois qu'on sait qu'une souris fluo rose a une mutation sur le gène X, on sait que toutes ses descendantes fluos roses auront la même mutation. Imaginez maintenant qu'une souris fluo bleue ait une mutation sur un gène Y. Les souris violettes, filles des souris roses et bleues auront alors des mutations sur les gènes X et Y. Autrement dit, on peut immédiatement et à l'oeil nu identifier le génotype des souris sans avoir à faire de longs et surtout coûteux séquençages.
Du coup Tian Xu s'est lancé dans une entreprise titanesque : comme il est maintenant facile d'avoir plein de mutants et de faire de la génétique "à l'oeil" (dans tous les sens du terme) pourquoi ne pas générer tous les mutants possibles et imaginables ?
A l'image de ses transposons, Tian Xu s'est alors délocalisé pour en fait retourner au pays, en Chine. En quelques mois, il a fait construire un labo chargé de fabriquer autant de mutants que possibles. Là-bas, la science aussi se fait à bas prix, c'est donc idéal pour ce genre de recherche qui demande beaucoup de travail rébarbatif à grande échelle. L'ambition est claire et affichée : connaître toutes les mutations non létales possibles et imaginables, identifier les gènes correspondants, et utiliser ces découvertes pour soigner tous les problèmes d'origine génétiques. A terme, ce savant un peu fou espère même découvrir certains graals, comme par exemple la mutation génétique qui pourrait doubler notre longévité, à l'image de ce qui a déjà été observé chez la drosophile.
Les premiers résultats sont bluffants. Tian Xu a identifié des mutants incroyables. Des souris résistantes à la douleur, des souris qui ne savent pas marcher droit et qui ne tournent que dans un sens, des souris bossues, des souris aux yeux bridés, des souris avec des incisives surdéveloppées, formant des défenses, comme des éléphants ! Je vous laisse imaginer la combinatoire possible entre toutes ces souris, il y en a pour des années de travaux. Et je doute que dans ce domaine pourtant hyper scientifique, nous puissions concurrencer les labos chinois travaillant à grande échelle avec une main d'oeuvre à la fois compétente et bon marché... J'aurais peut-être mieux fait de faire du droit ou des sciences humaines, comme tout bloggueur qui se respecte ! :)
Photo : via
le site piggybac.com Howard Hughes Medical Institute
Référence de l'article : Ding et al., Cell, Volume 122, Issue 3 , 12 August 2005, Pages 473-483