Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

21 décembre 2005

Science : les néo-créationnistes dans les choux

Pour faire suite à mon billet sur l'évolution, une bonne nouvelle vient de tomber : l'intelligent design vient d'être déclaré anti-constitutionnel. Un point intéressant est qu'un des motifs de refus est, je cite "ID violates the centuries-old ground rules of science by invoking and permitting supernatural causation". C'est une défaite cuisante pour nos néo-créationnistes : ils n'ont pas réussi à redéfinir la notion de science (qui était un des objectifs plus ou moins avoués), et ils ont été sévèrement renvoyés dans les cordes sur ce coup là. Etonnament, il y a en fait de la porosité sur ces idées au sein même des milieux scientifiques. Ainsi, il y avait une grande conférence de physique statistique à Rutgers cette semaine. Disons le tout net, il y avait le gratin mondial. Or, Kadanoff, big star de la physique, ancien président de l'académie des sciences a fait un talk sur le sujet de l'intelligent design ! Evidemment, c'était un talk sur les aspects politiques, mais il a également rappelé les "théories", et apparemment, il n'était pas aussi négatif qu'on aurait pu le penser (je rapporte ce qu'on m'en a raconté, je n'y étais pas moi-même). Cela a fait un petit scandale, d'autant qu'apparemment, la grande caution scientifique de l'intelligent design, William Dembski, est en fait un ancien étudiant de Kadanoff...

Grèves ter...

L'université est vraiment calme ces temps-ci. Il faut dire que les fêtes de fin d'annés cumulées à la grève qui vient de commencer ont complètement vidé la ville. Mon chef, avant de partir en vacances, m'a conseillé d'en profiter pour visiter le musée Gugenheim : il parait qu'il est totalement vide. En attendant, le maire de New York crie sur tous les toits que la grève est une honte car illégale; la justice vient d'ailleurs de condamner le syndicat de transport à 1 million de dollars par jour de grève ! Ce pays ne cesse de m'étonner.

16 décembre 2005

Grèves : suite

En fait il n'y a (presque) pas eu de grève aujourd'hui. Les employés ont décidé de reporter leur mouvement social de 4 jours : on en saura plus mardi prochain. Seules deux compagnies privées dans le Queens ont fait grève. J'ai également appris un truc assez hallucinant : les employés de la compagnie de transport n'ont pas le droit de faire grève. Je comprends maintenant pourquoi les médias déclaraient cette grève illégale. D'ailleurs, un truc très surprenant ici est cette référence constante à la loi là où un simple réglement ou un peu de civisme devrait faire l'affaire. Par exemple, on ne nous demande pas gentiment de recycler le papier: il est clairement marqué dans le vide-ordure que c'est la loi, et qu'il est en somme illégal de ne pas recycler. De la même façon, les indications de capacité des salles font explicitement référence à la loi (par exemple "it is unlawful that more than XX persons stay here at the same time" écrit en rouge à l'entrée). C'est assez amusant comme façon de penser : à mon avis cela indique bien qu'on est dans un pays très individualiste, où la seule façon de "contraindre" les gens est d'édicter une loi, plutôt que d'en appeler au civisme ou à la bonne volonté. Je ne suis pas sûr que cela soit un très bon signe...

14 décembre 2005

Grèves à l'américaine...


Alerte rouge sur Manhattan. Vendredi, il y a un risque de grève des transports. Prenez vos précautions. Ne venez pas en voiture ! Essayez de travailler chez vous ! La mairie a préparé un plan d'urgence. Les informations critiques seront diffusées en temps réel sur la page web de votre université. Le monde entier a les yeux braqués sur cette négociation salariale houleuse. Certaines sociétés envisagent même d'ouvrir des bureaux temporaires hors de la ville. Tout le monde est prêt : après le 11 Septembre, de tels plans d'urgence ont été préparés pour parer à toute éventualité (c'est marqué texto dans le NY Times). Mazette, quel stress !

10 décembre 2005

Perso : modification du style

Comme vous pouvez le constater, j'ai essayé de faire un peu de ménage dans le style de ce blog. J'en avais un peu assez du style "tic-tac", et puis c'était un bon exercice de modifier les feuilles css. J'espère parvenir bientôt à intégrer quelques images de fond histoire de rendre le site plus gai ! Au fait, tout le monde peut laisser des commentaires maintenant; plus besoin d'avoir un compte blogger...

Edit du 14 Décembre : bon apparemment, les titres rouges ne font pas l'unanimité dans mon lectorat. Bleu blanc rouge, ce n'était pas si mal, non ? En fait cela tombe bien, je voulais aussi les changer pour ce design plus sobre. Il ne me reste plus qu'à egayer tout cela avec de zolies images.

09 décembre 2005

Lecture : Le cycle du fleuve

Je profite de mon isolement culturel relatif (ni téléphone, ni internet, ni télévision) pour lire les quelques pavés qui restaient en suspens durant cet automne mouvementé. Je viens de terminer le grand cycle du fleuve de Philip José Farmer. J'avoue que j'ai un petit faible pour PJF : pas ou peu de grandes interrogations pseudo-philosophiques, on est directement dans l'action concrète où le postulat scientifico-technologique de base de ses différents romans est très habilement exploité. Le monde du fleuve commence par un grand cri de terreur et de surprise : celui de toute l'humanité ressucitée au bord d'un gigantesque fleuve. Evidemment, nous y serons tous. Nous constaterons alors que dans l'au-delà il n'y a ni Dieu, ni diable, ni paradis, ni enfer, juste des hommes nus, avec à leur côté un cylindre metallique leur fournissant régulièrement de la nourriture. L'homme étant ce qu'il est, les premiers problèmes ne tarderont pas à apparaître: le choc des civilisations et des époques aboutira à une première ère funeste où viols, esclavages et guerres iront bon train, sous le règne de tristes sires tels Hermann Goering ou d'anciens rois tels que le Prince Jean. Heureusement, si vous mourrez, vous ressuciterez 24 heures plus tard ailleurs sur le fleuve; vous pourrez même utiliser la voie "suicide express" pour échapper à vos ennemis. Dans ce monde incongru, les jeux politiques iront bon train pour mettre la main sur les très rares ressources minières au bord du fleuve. D'autres refuseront de reconstruire une société traditionnelle et se tourneront vers de nouvelles religions, convaincus qu'après ce purgatoire, les portes du ciel s'ouvriront. Tout au long de vos pérégrinations, vous tomberez peut-être sur l'explorateur anglais Richard Burton (qui fut le premier occidental à faire le pélerinage de la Mecque déguisé en musulman au 19ième siècle), sur un Jésus dépressif, ou encore sur Cyrano de Bergerac qui confirmera sa réputation de meilleur escrimeur de tous les temps. Et il ne fait nul doute que dans ce monde dépourvu de but et de sens, vous attacherez une importance certaine à cette rumeur relatant l'existence d'une tour mystérieuse emplie de merveilles à la source du fleuve...
J'ai vraiment beaucoup aimé ces riches livres. Les personnages sont très intéressants, et certains très attachants - j'ai notamment beaucoup aimé le rôle central de Mark Twain. La grande histoire du fleuve est passionnante entre mêlant jeux de pouvoir et description de sociétés renaissantes, et je n'ai pas été non plus déçu par la révélation des secrets de ce monde...

07 décembre 2005

Science : Le lévrier et le sprinteur

Un article très amusant vient de paraître dans Nature, de deux biomécaniciens Usherwood et Wilson. Je n'y connais rien à la biomécanique, mais l'article est suffisamment simple pour être lisible par un physicien lambda (je me demande même si je ne le convertirai pas un jour en exercice pour étudiants...). Ces deux chercheurs sont manifestement des fans d'athlétisme, puisqu'ils mettent en réference un lien pointant sur les résultats du 200m du championnat du monde indoor 2004. Le résutat de cette finale est assez amusant : le classement est à l'opposé des numéros des couloirs (i.e. le dernier était à la corde, dans le couloir 1, l'avant-dernier, dans le couloir 2, ... et le premier à l'extérieur !). En fait, comme le savent les nombreux sprinters(euses) lisant régulièrement ce blog, il est très difficile de maintenir sa vitesse dans les virages. Si j'ai bien compris, c'est dû à ce qu'on appelle dans le langage courant la "force "centrifuge" : en fait, les sprinteurs se penchent dans les virages pour tourner, et du coup ressentent une partie de la force centrifuge dans les jambes. Autrement dit, un sprinteur qui tourne a le sentiment d'être plus lourd, et donc court moins vite (ce qui se traduit concrètement par un contact pied-sol plus long). Les deux chercheurs ont constaté que ce n'était pas le cas des lévriers, en étudiant des films de course (il y en a deux sur le site de Nature, on voit même le faux lapin !). La différence entre un sprinteur et un chien est que l'homme utilise ses jambes à la fois pour se propulser et pour soutenir son poids. Si le poids "effectif" est plus important, à travail constant, la vitesse ralentit naturellement. Le lévrier, au contraire, utilise la rotation de ses hanches et allonge son dos pour se propulser : les pattes jouent uniquement le rôle de super-amortisseurs (un peu comme des ressorts). La partie propulsive est donc découplée de la partie amortissement, ce qui explique que les chiens peuvent garder leur vitesse dans les virages. Amusant, non ? Heureusement, l'homme n'est pas en reste puisqu'il a lui aussi inventé une machine permettant de découpler en partie le mécanisme de propulsion de celui de l'amortissement : il s'agit bien sûr du vélo !

05 décembre 2005

Perso : O joie du service public américain...

Théorème de Nicole : pour toute démarche aux Etats-Unis, il est nécessaire de s'y prendre au minimum deux fois. J'ai dû aller demander mon numéro de sécu deux fois car l'administration n'a pas été capable de vérifier mes infos personnelles rentrées par l'université sur internet la première fois. Je n'ai reçu mon numéro qu'aujourd'hui. J'ai dû appeler quatre fois ma société téléphonique pour avoir le téléphone : deux fois pour avoir la ligne - ils ont perdu mon dossier au milieu de la procédure, puis deux autres fois pour avoir le combiné (que je n'ai toujours pas, mais le service de livraison va me l'envoyer par UPS...). Bien sûr, tous ces marchés ont été libéralisés il y a belle lurette, et je n'ai affaire qu'à des monopôles locaux : les gérants de l'immeuble m'ont carrément remis les coordonnées de deux grosses entreprises pour me faire installer la télévision par câble et le téléphone. Je me suis également renseigné pour avoir l'ADSL, mais apparemment, l'Upper East Side de Manhattan est une région trop arriérée (et sûrement trop pauvre) pour avoir des câbles compatibles. On m'a conseillé d'avoir le câble pour avoir une connexion internet (d'ailleurs ma compagnie de téléphone m'a proposé la télévision par satellite...). Nostalgie du bon vieux monopôle des PTT et du minitel qu'on allait chercher au bureau de poste le plus proche ...
Apparemment, je ne suis pas le seul d'ailleurs....

02 décembre 2005

Science/Société: L'héritage de Darwin


Le museum d'histoire naturelle de New York organise en ce moment une exposition sur l'oeuvre de Darwin. A cette occasion, une conférence-débat était organisée hier soir, à laquelle j'ai eu le privilège d'assister. Les orateurs étaient invités à donner leur opinion sur l'émergence de l'Intelligent Design (un néo-créationisme expliquant que la complexité du vivant ne pouvait s'expliquer sans l'intervention à différents points de l'évolution d'une intelligence extérieure - en gros, Dieu ). Les interventions furent variées et globalement intéressantes. Un certain James Moore s'est chargé de l'introduction. C'est un Anglais, qui s'est attaché à démontrer avec un humour tout à fait conforme à ses origines, comment les idées créationnistes voyagent et risquent de devenir bientôt "à la mode". Il a par exemple cité une interview de Madonna qui expliquait que son actuel mari l'avait draguée en lui expliquant le débat entre créationisme et darwinisme (je devrais peut-être tenter ma chance auprès de quelques stars locales... je pourrais devenir une sorte de Woody Allen scientifique...). Beaucoup plus hallucinante cette réponse de Tony Blair :

Question : Is the Prime Minister happy to allow the teaching of creationism alongside Darwin's theory of evolution in state schools?

The Prime Minister: First, I am very happy. (...) It would be very unfortunate if concerns about that issue were seen to remove the very strong incentive to ensure that we get as diverse a school system as we properly can. In the end, a more diverse school system will deliver better results for our children.


Ron Numbers, un intervenant suivant, a lui aussi expliqué à quel point les idées créationnistes étaient en vogue un peu partout. Ainsi, il a raconté entre autres que le ministère Russe de l'Education avait récemment contacté des "experts" de l'Intelligent Design pour savoir comment introduire ce concept dans les programmes. Il a également énuméré les différentes personnalités (ministres en Hollande et en Italie par exemple) s'étant prononcé pour une réforme des programmes de biologie visant à "équilibrer" la théorie de l'évolution. Un philosophe, Michael Ruse, anglais lui aussi, a mis ensuite le doigt sur le fait que la lutte contre la théorie de l'évolution n'était qu'une petite partie d'une lutte entre, pour simplifier, fondamentalistes d'un côté et progressistes de l'autre. Il a cité l'exemple du fameux révérend Pat Robertson (qui s'était déjà signalé en appelant au meurtre de Chavez, le présedent vénézuélien) : celui-ci a menacé la municipalité de Dover de représailles divines pour avoir viré de son School Board les créationnistes. Je ne résiste pas à l'envie de vous faire partager sa prose :

"I'd like to say to the good citizens of Dover If there is a disaster in your area, don't turn to God. You just rejected him from your city,"

"God is tolerant and loving, but we can't keep sticking our finger in his eye forever,"

Ma préférée, c'est celle-ci :
"If they have future problems in Dover, I recommend they call on Charles Darwin. Maybe he can help them."

Dans une perspective historique, il fait remonter cette opposition à la Guerre de Sécession. Le Sud (les futurs "Red States") a prolongé sa lutte contre le Nord sur le terrains des moeurs. Ce combat se poursuit encore aujourd'hui... Au moment du débat, Michael Ruse a explicitement dit que l'idée de revenir sur la théorie de l'évolution était aussi rétrograde que d'interdir les mariages homosexuels ou l'avortement. James Moore lui a alors fait remarquer que c'était précisément parce que les "élites" intellectuelles pensaient cela que les créationnistes les attaquaient sur leur terrain, la science, pour mieux contrer leurs idées progressistes...

Toujours lors du débat, une taupe créationiste (oui il y en a à New York) est venue demander sur un ton outré si les scientifiques ne devaient pas examiner les hypothèses créationistes sérieusement et en débattre scientifiquement. James Moore (toujours lui, il était vraiment très fort) lui a alors répondu que le plus gros problème était que justement le créationisme n'était pas de la science : les créationistes veulent changer la définition même de la science, en incluant la possibilité d'une intervention extérieure pour expliquer ce qu'on ne connait pas. La science ne peut évidemment pas se contenter de cela : elle doit précisément tenter d'expliquer l'incompréhensible. Il a conclu en insistant sur le fait qu'aux USA malheureusement, il appartiendra en dernier ressort à une cour de justice de décider ce qui sera de la science et ce qui n'en sera pas (chez nous, ce n'est pas tellement mieux, ce sont les députés qui réécrivent l'histoire...).

Malheureusement, aucun d'entre eux n'a évoqué le pastafarisme, cette nouvelle théorie qui explique que l'homme a été créé par une boule de spaghetti. Je vous invite à cliquer sur l'image pour en savoir plus !