Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

30 novembre 2006

La vie était-elle inévitable ?

Via Nature, Harold Morowitz et Eric Smith affirment dans un papier publié sur le site web du Santa Fe institute (accès libre) que la vie, loin d'être apparue par hasard, aurait pu apparaître de façon tout à fait déterministe.

L'analogie qu'ils utilisent est inspirée de la physique : lors d'un orage, des différences de potentiels énormes apparaissent entre le sol et les nuages. Pour libérer ce potentiel, un canal spécial s'organise : l'air s'ionise et un plasma conducteur apparaît, d'où un éclair. Il se trouve que ce canal s'auto-organise et s'auto-entretient pour transmettre de l'énergie, si bien que si la différence de potentiel se maintenait, l'éclair existerait de façon permanente et formerait une structure organisée, hors équilibre thermodynamique.

Selon Morowitz et Smith, les processus géochimiques dans la Terre primitive auraient construit des réserves immenses d'énergie, à l'image des différences de potentiels durant un orage. Ces réserves ne demandaient qu'à être libérées, et la chimie aurait fourni des canaux chimiques (équivalents du plasma physique) qui se seraient spontanément auto-organisés pour permettre au flot d'énergie de passer. Ces canaux chimiques sont concrètement des suites de réactions chimiques bien spécifiques (type cycle de Krebs à l'envers) qui permettent à la fois de consommer cette énergie, de s'auto-organiser et de maintenir cette auto-organisation en extrayant de l'énergie des réservoirs. D'après les auteurs, très peu de réactions chimiques de ce type peuvent exister, et ces réactions se trouvent être à la base de tous les organismes autotrophes. D'une certaine manière, le logiciel chimique de base de la vie se serait donc trouvé totalement déterminé.

Horowitz et Smith affirment que ce procédé implique que l'apparition de la vie était inévitable, et que ses premières étapes sont totalement déterminées. En effet, ils affirment qu'un monde sans vie mais plein d'énergie potentielle chimique serait métastable, tout comme les nuages chargés lors d'un orage : à un moment ou un autre, l'éclair claque tout comme la vie devait apparaître. C'est ce qu'ils appellent le "collapse to life" ("effondrement vers la vie"), et c'est un événement purement biochimique. Les molécules de réplication (type ARN ou ADN) apparaissent bien plus tard : elles viennent d'abord simplement se greffer sur l'auto-organisation chimique, et c'est seulement lorsqu'il y a suffisamment de polymères dans la soupe qu'une réplication peut se mettre en place et la sélection naturelle commencer.

J'aime toujours ce genre d'articles qui essaient de proposer des explications à des phénomènes a priori très mystérieux. J'aime en particulier beaucoup l'analogie physique (je vous ai passé le côté physique statistique et transition de phase). Maintenant, comme tous les articles de ce genre, c'est à prendre avec de grosses pincettes !

Référence:

Morowitz H.& Smith E., Santa Fe Institute Working Paper, (2006).

29 novembre 2006

Téléthon, église catholique et financement de la recherche

De retour de mon petit voyage scientifique, je sors de ma léthargie bloguesque pour vous signaler un article très intéresant de Libé, dans lequel l'archevêque de Paris donne son point de vue sur le Téléthon.

Les catholiques réclament de la transparence sur l’usage de leurs dons par le Téléthon en matière de recherche génétique, notamment pour le tri d’embryons auquel ils sont opposés. Mais ils n'appellent pas directement à un boycott a expliqué l’archevêque. «On crie au scandale parce que des gens posent des questions», a-t-il observé, «c’est au moins naturel et normal que les gens qui financent la recherche puissent dire quelque chose sur la recherche qu’ils financent». Le responsable catholique a affirmé qu’il continuerait à donner pour le Téléthon «si on a la possibilité d’infléchir ou d’orienter nos dons» et «si l’association accepte d’entendre nos questions». Il a souligné que les responsables du Téléthon ne refusent pas de discuter et ont déjà rencontré des responsables d’Eglise.


Cette polémique récente illustre par l'exemple les problèmes posés par les financements de recherche à base de dons et de charités, que j'avais déjà évoqués dans ce billet (lire également les billets d'Enro sur le sujet ici et pour avoir un point de vue contradictoire). Enro proposait en particulier une implication plus forte des citoyens dans la recherche :

Or dans la vision de Christophe Bonneuil (qui est ma vision idéale), ce ne sont pas seulement des citoyens timides et désengagés qui donnent là où ils pensent que c'est le plus utile : les citoyens regroupés en associations, comités ou autres s'impliquent véritablement, acquièrent de l'expertise, font du lobbying vers le politique, impliquent les acteurs individuels etc. Les associations de malades ou contre le cancer sont une première étape (largement imparfaite) vers une recherche qui viendrait de "tous les pores de la société"

Cette polémique sur le téléthon montre donc un exemple d'implication des citoyens dans la politique de recherche, mais pas vraiment dans le sens attendu : le lobby qui émerge aujourd'hui est clairement dans une logique de restriction et de contrôle de la recherche, au contraire de la logique de coopération pronée par Enro. Un contrôle citoyen est bien sûr légitime, sauf que la "logique" sous-jacente ici est uniquement religieuse. Alors bien sûr, il y a en contrepoids les associations de malades par exemple, qui sont à l'origine du téléthon lui-même, mais l'exemple des Etats-Unis montre bien que ce genre de groupe de pression "anti-science" peut-être très néfaste sur le long terme.

Par ailleurs est évoquée ici l'idée que le don doit être orienté. D'un point de vue sémantique, j'ai toujours pensé que l'expression de "don orienté" tenait de l'oxymore : rien n'oblige à donner, si le donateur n'est pas d'accord avec l'utilisation prévue des fonds, libre à lui de donner ailleurs, mais une fois que le don est fait, l'utilisation de l'argent doit être libre (un don est un don !). D'un point de vue pratique, nous savons tous que la recherche fondamentale n'est réellement efficace sur le long terme que si elle est libre. Nous avons donc ici selon moi deux exemples d'effets (un peu) pervers du financement de la recherche par le don...

16 novembre 2006

Scientists crossing...

Cela fait plusieurs mois que je passe devant cet étrange panneau, non loin de mon université. J'aime beaucoup l'allure à la fois décidée et concentrée du scientifique, et suis effrayé de cet avertissement destiné à nous éviter le tragique destin du génial Ramanujan.

D'ici quelques jours en tous cas, je vais changer d'échelle et traverser non pas une rue, mais l'Atlantique lui-même pour passer une dizaine de jours en France pour le travail. Autant dire que l'activité de ce blog s'en trouvera nécessairement ralentie, car je ne dois pas chômer. Malheureusement, je ne pourrai donc pas m'adonner à la terrible procastination, tant vantée par Jorge Cham, qui viendra donner une conférence à l'académie new yorkaise des sciences pendant mon absence.

15 novembre 2006

Néandertal séquencé

C'est la grande nouvelle de la semaine : deux papiers paraissant simultanément dans Nature et Science contiennent les premiers résultats sur un séquençage (partiel pour l'instant) de Néandertal - voir références en fin de billet.

Avant de disserter sur les résultats du séquençage, soulignons tout d'abord la performance technique. Séquencer un ancien génome n'est pas un exercice très facile. Les cas de "contamination" sont fréquents, l'exemple le plus fameux étant le supposé ADN des insectes pris dans l'ambre qui s'est par la suite révélé être tout à fait moderne (ce qui ne nous a pas empêchés de fantasmer sur Jurassic Park). Le recueil de prélèvements ressemble maintenant à une opération chirurgicale, avec gants et combinaisons étanches. C'est d'autant plus difficile dans le cas présent qu'on s'attend légitimement à trouver beaucoup de points communs entre les ADN de sapiens et de Néandertal, donc il est difficile d'exclure des faux a posteriori. Les chercheurs ont notamment utilisé une nouvelle technique au nom barbare de "pyroséquençage" pour séquencer rapidement en parallèle afin d'avoir un maximum d'information pour vérifier les données.

Les résultats sont intéressants. L'équipe de Rubin (Noonan et al.) a séquencé 65000 bases, a trouvé 502 bases mutées à la fois chez sapiens et Néandertal (en comparant au chimpanzé comme outgroup), dont 27 sont spécifiques à sapiens. Green et al. ont analysé près d'un million de bases, ont trouvé 10167 bases différentes par rapport aux chimpanzés, dont 434 uniques à Sapiens. Sapiens et Néandertal partagent en fait 99.5% de leur génome.

Que nous dit maintenant ce séquençage sur une possible hybridation entre les deux espèces homo ? L'équipe de Green/Pääbo a comparé une bibliothèque d'allèles de sapiens (des SNPs, i.e. Single Nucleotide Polymorphism) à ceux de Néandertal. 30% de ces SNPs sont présents dans Néanderthal mais absents chez le chimpanzé. C'est beaucoup trop pour des espèces séparées par 500 000 ans d'évolution, et, même si on est encore loin d'avoir une preuve absolue, cela suggère effectivement que Sapiens et Néanderthal ont pu s'hybrider. Comme les chromosomes X des Néandertal ont l'air particulièrement divergents, l'hypothèse serait que des mâles sapiens ont pu avoir des enfants avec des femelles Néandertal. Qui sait, peut-être Eve (la dernière femelle dont nous descendons tous) était-elle une Néandertale ;) ...

PS : l'article de Lahn dont j'avais parlé dans un billet précédent à propos du gène microcephalin de sapiens pouvant venir de l'hybridation avec Néandertal et ayant été spécifiquement sélectionné vient de paraître sur le site web de PNAS.


Références :

Green et al., Nature 444, 330-336 (16 November 2006)
Noonan, J. P. et al. Science 314, 1113–1118 (2006).
Evans et al., PNAS, 2006 Nov 7; [Epub ahead of print]

14 novembre 2006

The Ultimate selfish gene

Matthieu évoquait récemment sur son blog la fameuse théorie du gène égoïste de Dawkins. Alors, des gènes qui se servent de nous pour se reproduire, cela existe-t-il vraiment ?

Il se trouve que la nature a effectivement enfanté certains monstres, qui squattent sans vergogne notre génome. L'une de ces séquences génétiques s'appelle Alu. Cette séquence est un transposon, i.e. qu'il s'agit de séquences pouvant "sauter" et se reproduire d'une partie de l'ADN à l'autre (voir aussi ce billet). Alu lui-même est représenté plus d'un million de fois dans le génome humain, constituant plus de 10% de notre génome !!! Dans le genre parasite, on fait difficilement mieux à première vue...

A seconde vue, Alu présente des propriétés assez intéressante. Alu est tout d'abord spécifique aux primates. Ensuite, il se trouve qu'Alu est surreprésenté dans les séquences soumises à un épissage alternatif. Kesaco ? Le "dogme central de la biologie" stipule que l'information génétique sous forme d'ADN est d'abord transcrite sous forme d'ARN, puis traduite pour donner des protéines. L'ARN subit cependant un processus de maturation appelé "épissage". En gros, certaines sous-séquences de l'ARN (appelées introns) sont proprement excisées de l'ARN messagers, et seuls les exons sont traduits pour donner la protéine. L'épissage alternatif est un processus qui permet de "sélectionner" les exons qui seront traduits. A partir d'une même séquence ARN, certains exons seront conservés dans certains ARN, d'autres rejetés, ce qui fait qu'un même gène donnera plusieurs protéines différentes à partir d'un seul pool d'ARN messagers (voir la jolie animation flash ici).

Alu donc est surreprésenté dans ces exons epissés alternativement. Il se trouve que quelques mutations ponctuelles et Alu est traduit ou exclu systématiquement. Du coup, il est très facile grâce à ce procédé de créer des nouvelles protéines en toute sécurité, à partir d'un même ARN messager. Typiquement, une partie des ARN seront traduits sans Alu (protéines lambda fonctionnelles), d'autres avec Alu (nouvelles protéines, avec de nouvelles séquences). Si les protéines avec Alu ne sont pas fonctionnelles, les protéines initiales sont là, donc pas de problème. En revanche, si les protéines avec Alu ont une fonction intéressante, la sélection naturelle agira pour conserver cette fonction et rendre l'épissage systématique. Ces séquences Alu permettent donc de créer de la variabilité génétique à coût nul, et sont potentiellement des outils très efficaces pour l'évolution, ce qui explique certainement pourquoi Alu est si présent dans notre génome. Alu est peut-être un gène égoïste, mais il semble avoir réussi à se rendre utile ;) .

Références

Lev-Maor et al., Science.2003 May 23;300(5623):1288-91
Un article sur genome new network

10 novembre 2006

Blog et politique des deux côtés de l'océan

Un ami, lecteur et commentateur assidu de ce blog à ses heures perdues, me demandait récemment mon sentiment sur la victoire démocrate américaine. J'étais certes content pour eux, mais lui répondais aussi que, honte sur moi, je ne suivais que de très très loin la politique locale. Il faut dire qu'elle n'est pas d'un niveau très reluisant, entre le "Macaca" de George Allen (qui n'est pas juif car il mange des côtes de porc) et le puritanisme du pourtant démocrate Harold Ford (qui a peut-être eu des relations sexuelles avec une blanche alors qu'il est noir - contrairement à ce que laisse penser sa photo). Je n'aime pas beaucoup cet aspect communautaire de la politique et de la vie en général ici.

En revanche, je suis de très près la politique française (j'ai hâte de voter au consulat de New York, et regrette bien d'avoir raté les quelques soirées organisées pour recevoir nos "candidats" ;) ). Je ne vais pas me transformer en blog politique, certains font cela très bien, mais bon, force est de constater que nombreux sont les blogueurs "citoyens" au sens large... J'ai par exemple consulté avec intérêt le sondage politique récemment paru sur le site web de Marianne. Tous les détails sont disponibles en cliquant ici. Pour la première fois, j'ai regardé en détail les résultats d'un sondage et j'ai été très surpris de constater les différents biais dans la population par rapport à la moyenne, biais qu'on pourrait qualifier de "culturel" ou de "communautaire" en fonction de la catégorie considérée. Car on s'aperçoit que, sauf exception, le biais majeur par rapport à la moyenne n'est pas la profession (comme on pouvait le penser à première vue, dans une perspective un peu marxiste ;) ) mais bien l'âge ou le sexe. Par exemple, si autant d'hommes que de femmes sont prêts à voter pour Ségo au premier tour, 37% des femmes contre 23% des hommes sont prêts à voter Sarko ! Clairement donc, Sarkozy séduit littéralement les femmes et repousse au contraire les hommes. Côté âge, Ségo fait un tabac chez les jeunes (49% des 25-29 ans), tandis que Sarkozy plaît beaucoup à vos grands parents (48% des plus de 75 ans). La corrélation jeune=Ségo et vieux=Sarko est très claire quand on regarde la progression des intentions de vote par tranches d'âges, excepté pour les 18-24 ans qui, en gros, préfèrent à Ségo... Le Pen . Tout ça me paraît bien effrayant, et me donne bien envie de connaître un peu plus de sociologie...

09 novembre 2006

L'éternel débat science vs religion


Time magazine a organisé dans son numéro daté du 13 Novembre un débat entre deux scientifiques, Richard Dawkins et Francis Collins, sur les relations entre Dieu et la Science. Le contexte américain est bien connu : les ultra-religieux, pour des raisons essentiellement politiques et morales, ont décidé de s'attaquer à la théorie de l'évolution, vue comme dangereuse moralement car faisant de l'homme un animal comme les autres. Ils ont ainsi développé une théorie pseudo-scientifique, l'Intelligent Design (ID), visant à attaquer la science sur son terrain. Scientifiquement, c'est plutôt un coup d'épée dans l'eau; politiquement en revanche, la stratégie a été très efficace, livres, débats se multiplient, certains décideurs en sont même à accepter voire à préconiser l'enseignement de l'ID à l'école.

Evidemment, le milieu scientifique ne reste pas indifférent face à cette attaque en règle et se doit de se positionner dans le débat. On peut à mon avis classer les scientifiques en trois catégories :
- les athées forcenés (comme Dawkins, auteur notamment du gène égoïste et du récent The God delusion), voyant la religion comme un archaïsme trompeur et bien décidés à ne pas se laisser faire, voire à démontrer l'inexistence de Dieu,
- les scientifiques "neutres" (par exemple Stephen Jay Gould) qui pensent qu'il n'y a pas lieu de se poser la question de la cohabitation entre Dieu et la science, représentant deux domaines bien distincts qui ne se parlent jamais. Dieu ne fait pas partie de la nature, n'intervient pas dans celle-ci.
- les scientifiques croyants, qui pensent que Dieu existe et intervient dans les affaires du monde, rarement mais sûrement. Francis Collins, directeur du National Human Genome Research Institute , auteur de The Language of God: A Scientist Presents Evidence for Belief, fait partie de ceux-là. Néanmoins, pas fou, Collins pense qu'il est impossible de démontrer l'existence de Dieu par des moyens scientifiques.

Le débat organisé par Time commence par une présentation rapide des positions respectives des deux scientifiques sur Dieu et la science. Pas de surprises de ce côté-là. Time demande ensuite à Dawkins pourquoi il pense que la théorie de Darwin contredit le récit de la Genèse (!). Dawkins développe alors brièvement comme explication scientifique alternative la théorie néo-darwinienne à base de mutations/sélection. Collins approuve et pense que la théorie de l'évolution n'est pas incompatible avec l'idée d'un Dieu créateur : selon lui, Dieu aurait pu juste donner l'impulsion initiale, l'organisation de la nature émergeant naturellement vers un homme créé à son image. Pourquoi pas après tout, même si Dawkins fait remarquer un peu perfidement que c'est un procédé bien étrange que d'attendre que l'homme émerge tel quel après 4 milliards d'années d'évolution. Mais bon, les voies du Seigneur sont impénétrables, n'est-ce pas ?(d'ailleurs c'est en somme ce que lui rétorque Collins).

Time met ensuite sur la table la tarte à la crème actuelle issue de la physique, à savoir que les constantes fondamentales semblent ajustées pour permettre l'apparition de la vie (voir ici et surtout là pour plus de détails sur cette controverse et les théories en jeu). Collins assène alors le principe anthropique fort : Dieu a choisi les paramètres ainsi pour que l'homme apparaisse. Dawkins répond par la version cordiste du principe anthropique faible : il existe tellement d'univers parallèles qu'il y en a forcément un pour lequel les paramètres sont bien ajustés.

Et là, Collins nous sort un argument tellement incroyable que je me suis sincèrement demandé s'il était sérieux. Collins trouve plus plausible d'un point de vue scientifique, l'existence de Dieu, plutôt que l'existence de multi-univers. Il conclut donc, en vertu du rasoir d'Occam, que Dieu existe !!!

Arrêtons-nous quelques instants sur cet argument. A ma gauche, nous avons une théorie scientifique, contestée certes, mais qui donne une réponse. A ma droite, nous avons Dieu. Et bien, Collins, scientifique de son état, trouve la science physique non plausible, et penche donc pour Dieu. Je trouve cela totalement hallucinant. Imaginons-nous 1000 ans en arrière. A l'époque, il n'existait pas de théorie de la gravité par exemple. Comment Collins aurait-il expliqué la rotation de la Lune autour de la Terre et la chute de la pomme ? En tant que scientifique, la règle numéro 1 devant un mystère est de chercher une explication scientifique, naturelle. Devant l'incompréhensible, seule la démarche scientifique s'est historiquement révélée pertinente et efficace. Préférer Dieu à la science, n'est pas une attitude scientifique. Cependant, Collins affirme, je cite :

"God is the answer of all of those "How must it have come to be" questions".


Dawkins le recadre alors en lui faisant remarquer que ce n'est effectivement pas une démarche scientifique...

Time, perfide, demande alors si la réponse à de telles questions pourrait être Dieu (après bien sûr une recherche vraiment scientifique). Dawkins botte en touche en disant qu'il pourrait y avoir quelque chose d'immense, d'incompréhensible pour nous, de très grand. Collins lui fait remarquer que c'est Dieu par définition. Dawkins répond alors qu'il n'y a aucune chance que ce Dieu soit Jésus, Yahweh ou Allah. Je pensais alors que c'était une pirouette. Pourtant, la suite démontre qu'il a au contraire mis dans le mille. Le débat glisse sur la Genèse et la Bible en général. Collins affirme alors haut et fort sa foi de chrétien : devant l'impossibilité scientifique, il affirme que Dieu a nécessairement violé les lois de la Nature pour féconder la vierge et pour ressuciter. Autrement dit, Dawkins avait bien répondu, le débat est tout autant de contrer l'idée d'un Dieu créateur que l'idée que son propre Dieu est véritablement le Dieu créateur. Collins se fait d'ailleurs titiller sur ce point par Dawkins qui lui fait remarquer qu'il est en bonne compagnie avec des "clowns" fondamentalistes.

Le débat embraye sur l'autre thème classique, à savoir l'explication de la morale. Collins affirme que la morale vient de Dieu, qui nous a créés moraux et que cela ne peut être entièrement expliqué par la théorie de l'évolution. Dawkins pense le contraire et expose ses arguments scientifiques (voir ici sur ce blog toujours). Encore une fois, j'ai été un peu soufflé par le discours de Collins : comment peut-on être scientifique et affirmer que certains phénomènes naturels ne peuvent être expliqués scientifiquement ?

Le débat se termine par une évocation du problème des cellules souches. Dawkins est favorable à toute expérimentation tant qu'aucun système nerveux n'existe, et fait remarquer que les hommes n'hésitent pas par exemple à faire souffrir des animaux pour les tuer, ce dont n'ont cure les religieux. Collins fait alors remarquer que les hommes et les animaux ne sont pas équivalents moralement, ce que Dawkins reconnaît. C'est à mon avis le seul point que Collins marque dans le débat, même si je pense que la réponse à ce genre d'interrogations se trouve dans la philosophie plutôt que dans la religion.

Chacun conclut alors sur son message principal. Collins, sans surprise, insiste sur le fait qu'il pense qu'il y a certaines questions dont on ne peut trouver la réponse que dans la religion. Etonnament, Dawkins revient sur l'idée qu'il y a des arguments convaincants contre l'existence d'un créateur, mais que, si créateur il y a, ce n'est certainement pas Jesus à son avis, mais quelque chose qu'aucune pensée humaine ne peut concevoir...

Voilà pour ce résumé un peu long. Etant moi-même plutôt sur la ligne de Dawkins, je n'ai pas repris tous ces arguments, et me suis concentré, y compris à la lecture, sur les arguments de Collins. Je dois dire que j'ai été un peu déçu de ce point de vue, et pas convaincu, c'est le moins qu'on puisse dire...

06 novembre 2006

Avoir Internet dans l'upper East Side ....


A mon arrivée à New York il y a un an, je me disais qu'il me serait impossible de vivre sans Internet, que je ne pourrais jamais me passer de ce lien génial et indispensable avec la France. Les responsables de mon immeuble m'avaient alors garanti que d'ici à quelques semaines, tous les appartements seraient connectés à internet via l'université...

Un an après, la situation est totalement bloquée. En allant renouveler mon bail, sans surprise, j'ai appris que l'université avait renoncé et que je n'aurais jamais internet chez moi. Seulement le gros problème est que c'était l'un de mes seuls espoirs : aux Etats-Unis, à New York, à deux pas de Central Park et des Nations Unies, il n'est toujours pas possible d'avoir l'ADSL, comme le prouve la capture d'écran ci-contre. Et dans le temple mondial du capitalisme, impossible de faire jouer la concurrence à première vue : verizon est ici en position de monopôle local pour le téléphone.



Vous avez dit concurrence ? Ah oui, quand je suis arrivé, on m'a remis une feuille avec le nom des deux entreprises à contacter pour avoir respectivement le téléphone et le câble (oui, ici, les monopôles sont privés bien sûr). Verizon, donc, est hors course pour internet, après un an, j'en ai assez, je vais prendre internet sur le câble. Je me connecte donc chez Time Warner et consulte les informations sur leur plan Road Runner à 45$ par mois.

Tout commence bien : le câble est disponible dans mon immeuble, a priori c'est champagne. Sauf que en voulant faire la commande par internet une mauvaise surprise survient. Comme le prouve l'image ci-contre, avant de pouvoir commander son modem, il faut absolument cocher la case

"My computer meets the minimum system requirements."


"Requirements" en question qui sont :

Operating System Windows 98, 2000/ME/XP; Pentium-class 400 MHz processor; 64 MB RAM; 110MB of free hard drive space

MAC: System 9.x and higher; PowerPC; 32MB physical RAM w/Virtual Memory set to 40 MB; 30 MB free hard disk space


Et oui, je l'ai encore dans l'os étant sous debian linux. Autrement dit, je suis obligé d'avoir Windows ou un Mac pour pouvoir me connecter sur Internet à New York. Aux Etats-Unis, le pays le plus libéral du monde, j'ai donc eu successivement affaire à deux monopôles : celui du téléphone est incapable d'avoir des lignes en état pour fournir l'ADSL, celui du câble vous oblige par contrat à avoir certains systèmes d'exploitation pour pouvoir surfer sur le web.

Le pire est que contrairement à la France où j'avais pu sans problèmes télécharger tous les drivers de mon modem adsl sous linux, je ne trouve pas la moindre information sur le web ici pour configurer tout comme il faut.

Comme j'en ai ras-le-bol de ne pas avoir internet à la maison, je suis donc obligé de me lancer comme périodiquement dans de charmantes et agréables geekeries. Objectif : réinstaller windows sur une partition abritant une vieille Mandrake qui me servait en cas de défaillance de ma debian (chat échaudé craint l'eau froide). Comme je commence à avoir l'habitude de de genre d'exercice, la première étape consiste à ramasser le maximum d'informations pour savoir comment je vais réussir à réinstaller GRUB sur mon disque une fois que l'ogre Windows aura fait place nette sur mon MBR. J'ai maintenant Knoppix, une live CD de debian et un CD d'installation de Debian pour avoir le mode Rescue. Je vais bientôt tester le mode rescue pour voir comment se passe la réinstallation du GRUB. Après cela, installation de Windows XP (Arghhhhh!!!). A priori, si tout va bien ensuite restauration du GRUB et nouveau dual-boot, et à moi l'internet. Prions mes amis prions...

Edit 22:22 : c'est la berezina ! il faut que je reinstalle tout ! scrogneugneu....

Edit 7 Nov, 18:32 : bon, ça a l'air de remarcher à peu près correctement, modulo les problèmes classiques à chaque réinstallation (carte son à reconfigurer, souris USB non configurée) plus quelques nouveautés (skype et xfig buggés...). Heureusement, maintenant, j'ai mon dual boot !

02 novembre 2006

Néandertal et sapiens suite

Dans un billet précédent, j'avais évoqué certaines analyses génétiques montrant que l'homme moderne s'était peut-être hybridé avec une autre espèce humaine il y a environ 40 000 ans en Eurasie. Différents travaux récents laissent maintenant à penser que Néandertal et sapiens ont coexisté plus longtemps que prévu.

Finlayson et al. ont analysé dans un article de Nature les traces d'occupation humaine dans une grotte à Gibraltar. Ils ont en particulier retrouvé des outils moustériens, typiques de l'homme de Néandertal. Or, la datation des couches géologiques montre que ces outils ont été déposés il y a 28 000 ans, voire peut-être même 24 000 ans. Cela signifierait que Néandertal aurait pu survivre plus longtemps qu'on ne le pensait, et aurait pu par conséquent interagir davantage avec sapiens.

Cette date beaucoup plus récente éclaire d'un jour nouveau des découvertes précédentes. Il se trouve qu'un squelette d'enfant étrange avait été retrouvé à Lagar Velho au Portugal. Ce squelette avait des caractéristiques à la fois moderne et néandertalienne, si bien qu'il avait été proposé qu'il s'agissait en fait d'un hybride sapiens/néandertal. Le seul problème est que ce squelette date d'il y a 24 500 ans, et ne collait donc pas avec l'idée que Néandertal avait disparu il y a 40 000 ans. Si la datation de Finlayson et al. était confirmée, cela renforcerait donc considérablement l'hypothèse de l'hybridation entre les deux espèces humaines !


Références :

Finlayson, C. et al. Nature 443, 850–853 (2006).
L'article décrivant le squelette hybride : Duarte, C. et al. Proc. Natl Acad. Sci. USA 96, 7604–7609 (1999).

01 novembre 2006

I am not a monkey...

Via Pharyngula, South Park se penche sur l'intelligent design...