Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

07 août 2007

La préhistoire des chats


Continuons notre petite balade dans l'univers des animaux domestiques en nous intéressant à l'évolution de mon animal de compagnie favori : le chat.

Sa domestication présente quelques petits mystères. Primo, comme on l'a dit dans le billet précédent et au contraire de la plupart des animaux domestiques, le chat ne présente pas de caractères néoténiques, ce qui signifie peut-être que la domestication ne s'est pas faite de la même façon que les autres animaux. Secondo, il existe de nombreuses espèces de chats sauvages (parfois interfertiles entre elles et avec le chat domestique), à l'exemple du chat du désert, Felis margarita (qui lui semble être une vraie espèce indépendante, mais dont la photo ci-dessus est bien impressionante ;) ). Dans un article récent de Science, Driscoll et al. ont relaté les résultats d'une étude phylogénétique menée sur 979 chats, dont le but était d'établir les liens de parenté entre toutes ces espèces de chats.

La Figure ci-contre montre la répartition des cinq sous-espèces de chats interfertiles. On voit très clairement que chaque espèce est bien localisée géographiquement. La Figure du bas représente un arbre phylogénétique de nos chats, calculé à partir de l'analyse de l'ADN de nos 979 matous. On voit sur cet arbre les proximités génétiques entre les différentes espèces de chats; par exemple, les données montrent que le chat du désert chinois n'est en fait qu'une sous-espèce du chat sauvage asiatique.
Le résultat le plus intéressant concerne le chat domestique : génétiquement, il ne peut être distingué du chat sauvage vivant dans le Proche Orient. L'origine géographique des chats domestiques ne fait donc aucun doute. De plus, lorsqu'on essaie, à partir de la comparaison des séquences, d'estimer la période à laquelle vivait l'ancêtre commun de tous ces chats (autrement dit, théoriquement, le premier chat domestiqué), on arrive à plus 100 000 ans. Tous les chats domestiques descendraient donc de cinq femelles ayant vécu à cette époque dans le Proche Orient.


Ce papier est étonnant à plus d'un titre (et pose autant de questions qu'il n'en résout). L'origine proche-orientale du chat est conforme avec l'hypothèse traditionnelle sur sa domestication : le chat se serait acoquiné à l'homme au moment de la découverte de l'agriculture, et donc dans le Croissant fertile. Le grain aurait attiré les petits rongeurs, et par conséquent leur prédateur honni. Le chat, pour disposer plus efficacement de cette nourriture abondante, aurait abandonné ses manières un tantinet agressives et adouci son caractère pour s'installer chez nous (non sans ayant conservé son indépendance farouche). L'homme aurait alors adopté ce compagnon et l'aurait emmené partout dans le monde : conformément à cette hypothèse, la première trace de domestication a été trouvée dans une tombe à Chypre datant de 9500 ans dans laquelle un homme s'est fait enterrer avec son minet favori.

Le seul petit problème, c'est que l'âge (calculé) du dernier ancêtre commun des chats domestiques ne me semble pas très bien coller : plus de 100 000 ans ! Si un bioinformaticien passant dans le coin peut m'expliquer...



Références :

Driscoll et al., Science, Vol. 317. no. 5837, pp. 519 - 523, lien vers l'article.
Source de la photo .
Un lien sur le chat des sables.
Un article de Times online sur ce papier.

9 commentaires:

Matthieu a dit…

1) pourquoi "5" femelles ?
2) comment sont calculés les 100 000 ans ? Effectivement, environ 10 000 ans (néolithique, début de l'agriculture) ca semble plus raisonnable comme hypothèse.

Tom Roud a dit…

1) Les 5 femelles viennent du fait qu'on analyse l'ADN mitochondrial directement transmis par la mère (modulo les mutations). Il n'y a pas de brassage génétique pour cet ADN, donc j'imagine que cela doit être assez facile à identifier et à comptabiliser.
2) Pour les 100 000 ans, je ne sais pas exactement, j'essaierai de regarder les méthodes plus précisément. J'imagine que tu compares les séquences d'ADN mitochondrial dérivant du même ancêtre; le nombre de différences entre des séquences issues du même ancêtre est proportionnel au temps écoulé depuis la séparation des lignées. Le coefficient de proportionnalité est donné par "l'horloge moléculaire", qui est en fait le rythme des mutations.

Anonyme a dit…

Je vais peut être dire une énorme bétise mais il me semblait avoir vu dans un documentaire (arte) que seulement les bébés félins ronronnaient mais arrivée leur maturité ils ne "savaient" plus ronronner. Seul nos petits matous domestiques continuent de ronronner. Cette caractéristique n'est pas considérée comme néoténique? J'avouerais que je suis un peu perdue mais j'aimerais comprendre.

PS: Merci pour ce blog intelligent qui fait réfléchir, c'est plus qu'agréable!

Tom Roud a dit…

@ n@n0mu : effectivement, cela ressemble beaucoup à de la néoténie. Je vais me renseigner : je n'ai pour l'instant pas réussi à attraper l'article qui aborde la néoténie chez les chats (D. W. Macdonald et al., Adv. Ethol. 28, 1 (1987)). Ce que j'ai pu lire là-dessus - en particulier l'article de Driscoll dont je parle dans ce billet - prétend que le chat n'a pas les caractères néoténiques observés chez les autres espèces domestiquées (par exemple : oreilles tombantes, espèces naines et géantes, queues en tire-bouchon ...). Le ronronnement, lui, est spécifique au chat; c'est peut-être pour cela qu'il n'est pas abordé dans ces analyses comparatives.

PS : merci !

Anonyme a dit…

Bonjour

j'ai un livre sur les félins, avec toutes les espèces,

bon: franchement ils sont tous à peu près pareils

à part des oreilles un peu plus longues ou les pattes un peu plus courtes, ils se ressemblent tous vachement

dans le livre, il yva des images de félins habitant dans des biotopes semblables (genre plus aride) et ils se ressemblent (genre, ils ont les oreilles plus grandes) et il y a écrit que c'est la pression de sélection qui a fait converger les caractères, parce que les biotopes étaient semblables.

Ah bon.

j'ai l'impression qu'à part allonger les oreilles, la nature ne peut pas faire grand chose sur un félin (j'exagère...à peine)

D'ailleurs il y a un chat appelé je crois chat loutre, car il ressemble à une loutre : son corps est plus allongé que la moyenne, ben il a les pattes plus courtes (genre basset)

tiens tiens, ça me rappelle quelque chose.

Bien à vous

vf

Tom Roud a dit…

@vf :
Driscoll et al. ont publié un autre article plus ancien sur l'évolution des félins dans Science. Cela n'est quand même pas très étonnant que tous les félins se ressemblent, non , ils doivent constituer une clade assez récente ? Quant aux microévolutions, pourquoi pas...

Sinon, avez-vous regardé les différences de croissances des crânes entre les chiens et les chats ? D'après ce que j'ai lu, à la naissance, chats et chiens ont la face plate; ensuite, le museau des chiens grandit (relativement au reste de la tête) tandis que la tête des chats reste "homothétique". Vous en pensez quoi ?(je précise que j'ai juste survolé votre article sur la néoténie pour l'instant, pas énormément de temps...)

Anonyme a dit…

"je précise que j'ai juste survolé votre article sur la néoténie pour l'instant,"

chuut faut pas en parler, c'est pas publié, sinon qui vous savez va vous tomber dessus

vf

Anonyme a dit…

"Quant aux microévolutions, pourquoi pas..."


oui, bien sûr, seulement ça pose un problème qui est le suivant,

si des chats à peu près pareils évoluent dans des endroits différents, très rapidement, rien d'autre (ou peu s'en faut) que des oreilles un peu plus allongées, pour moi cela veut dire que le curseur "allongement" d'oreille est déjà là, prêt à servir.

L'évolution n'a pas trouvé d'autre solution que ça, pour améliorer localement l'audition des chats.

Et cela veut dire aussi qu'il n'y a pas un gène de l'allongement d'oreille, parce que ce serait statistiquement impossible, en si peu de temps, d'évoluer le même gène faisant le même truc.
Donc conclusion, il existe un possible, qui est "allongement d'oreille", qui dépend suffisamment de nombreux gènes pour se produire rapidement, un peu partout,

c'est ce qu'on attendrait de la situation physique créée par un bord d'oreille: un pli très serré, causé par l'enroulement de l'ectoderme au niveau du conduit auditif, qui positionne des cellules dans une situation de fuite en avant qui fait allonger ou pas un bord, mais c'est tout et cet allongement dépend de beaucoup de gènes (biomécaniques) et pas d'un gène unique.

mais c'est de la rhétorique, bien sûr

si vous avez une référence sur le museau des chiens, je prends

bien à vous

vf

Tom Roud a dit…

Moi aussi je pense que l'espace des possibles dans l'évolution est localement contraint, et l'évolution potentiellement guidée localement. Il est tout à fait possible qu'il y ait une contrainte biomécanique assez forte sur le développement des oreilles. Encore une fois, j'aime bien cette idée de contraintes physiques sur le développement, mais je ne suis pas complètement sûr que la génétique n'ait jamais son rôle à jouer. Dans un autre contexte, si on regarde la segmentation par exemple, chez les insectes primitifs, elle me semble essentiellement physique, mais chez la drosophile, elle est purement génétique (on pourrait même délirer sur la complexité de Kolmogorov des animaux :D ).


Maintenant, pour revenir sur les oreilles de cchats il faut voir aussi que probablement le temps d'adaptation était assez court. Tiens d'ailleurs, tout cela me fait penser aussi à l'évolution baldwinienne...

En parlant de l'allongement de certains organes, vous-êtes vous penchés sur la chauve-souris ? C'est un cas assez intéressant, vu que la main est devenue géante (et pas le pied), et que les gens ont identifié des gènes impliqués (de simples facteurs de croissance - BMP je crois - appliqués localement permettent la croissance des os correspondants chez la souris).

Sinon, pour la différence entre chiens et chats, je suis tombé sur ce site en fait, qui "morphe" les chiots et les chats, et explique les différences races :
http://www.nhm.org/exhibitions/dogs/evolution/neoteny.html