Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

03 octobre 2006

Nobel junior

Andrew Fire et Craig Mello ont reçu lundi le prix Nobel de médecine et de physiologie pour leur découverte du mécanisme d'interférence par ARN (le monde fournit une infographie détaillée du mécanisme). L'idée est assez simple et fournit un bon exemple d'un des théorèmes favoris des biologistes comme quoi "tout ce qui est imaginable existe en biologie". Le "dogme central" de la biologie stipule qu'un gène est encodé sur l'ADN, puis est transcrit sous forme d'ARN messager, lui-même traduit sous forme de protéines qui possèdent toutes les fonctions catalytiques nécessaires à la cellule. L'ARN interférent permet de rendre un gène silencieux en se liant aux ARN messagers et en les détruisant. C'est un mécanisme très efficace pour tuer l'expression d'un gène, et c'est en particulier très pratique pour faire des manips de biologie moléculaire !

Pourtant, en lisant l'annonce de ce prix Nobel, j'ai été très étonné. Non pas que je conteste l'importance de la découverte : non, ce qui est très étonnant est que ce Nobel soit décerné si tôt ! Le papier décrivant le mécanisme date de 1998, et les deux récipiendaires ont (seulement) 46 et 47 ans. J'ai regardé rapidement les âges des Prix Nobel de Physique et de Médecine depuis 1990. En Médecine, ils sont les deux plus jeunes récipiendaires (sur 37) depuis 1991 et Neher qui avait semble-t-il 47 ans lui aussi au moment de sa nobelisation. En Physique seuls trois Nobel (sur 42) étaient plus jeunes au moment de la remise du prix. Autant dire que Fire et Mello sont probablement encore aujourd'hui très actifs, au contraire de la majeure partie des Nobel, plus proche de l'éméritat que du post-doc. C'est particulièrement net en Physique où parmi les derniers Nobel on peut trouver de vénérables noms finalement honorés comme par exemple Abrikosov, Ginzburg et Davis, respectivement 75, 87 et 88 ans au moment de la remise du prix ! C'est à mon avis toujours intéressant quand le comité Nobel honore des chercheurs actifs, qui sont alors prêts à se servir de leur notoriété nouvelle pour déplorer, par exemple, le manque de fonds pour la recherche... ;)

Ajout 6 Octobre : Nature relève aussi dans son édition de cette semaine la précocité de ce Nobel (l'article est intitulé "Youthful duo snags a swift Nobel for RNA control of genes") ! Apparemment, Mello lui-même avait du mal à y croire :

Mello seemed stunned when interviewed on the Nobel webcast, not long after he had heard the news. "I seem too young," he said. "And isn't the gap unusually short?"

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Inversement, on sait que la médaille Fields est réservée aux mathématiciens de moins de 40 ans. C'est souvent le prétexte à sarcasmes (les mathématiciens ne seraient productifs que quand ils sont jeunes !!) alors que l'objectif recherché est précisément de récompenser et soutenir de brillants cerveaux qui peuvent encore chercher... et touver !!

Tom Roud a dit…

Tout à fait.
Ce serait aussi intéressant de faire une étude sur la corrélation entre productivité et âge. Je pense qu'on aurait quelques surprises : j'ai l'exemple récent en tête d'EGD Cohen qui a fait des trucs assez forts à près de 80 ans. Impressionnant ! Comme quoi, l'éventuelle baisse de productifvité a peut-être tout à voir avec l'accumulation des responsabilités et peu à voir avec une baisse de créativité ou de technique...