Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

24 juin 2007

Réforme de l'université : quelques commentaires sur le projet

Quelques trucs (pas forcément très originaux) sortis du projet de réforme sur l'université :

L'hyper-président... d'université ?

Le premier truc qui frappe lorsqu'on lit ce projet est de voir comment les pouvoirs se retrouvent quasiment concentrés entre les mains du seul Président. Certes, il est élu à la majorité absolue par un conseil d'administration de 20 membres, mais 7 membres de ce conseil sont nommés par ce même président . De plus, sa voix est prépondérante en cas d'égalité. Autant dire que le Président plus ses 7 amis nommés représentant quasiment tout le conseil (il y aura toujours un ou deux enseignants chercheurs pour les accompagner), ils feront ce qu'ils veulent. Là encore, conception très française du pouvoir où il faut que les décisionnaires "aient les mains libres" car ils savent mieux que tous ce qui est bon pour la collectivité. Aux Etats-Unis, même si le Président a un pouvoir fort, les choses me semblent plus collégiales et surtout plus concertées : par exemple, la communauté des post-doc dans mon université est invitée à s'investir dans le choix de recrutement des tenure track, le Président lui-même soutenant très fortement la communauté des post-doc. Autrement dit, aux US, il me semble qu'un fort pouvoir est aussi synonyme d'un devoir d'ouverture et de recherche du consensus, les contre-pouvoirs sont organisés; je ne suis pas sûr que cela soit l'esprit de cette réforme dont l'objectif avoué est de mettre un "coup de pied" aux fesses de l'université. Il faudra voir à l'usage, mais ça dépendra très fortement de la personnalité du Président; le seul problème c'est qu'une fois élu, il est virtuellement indéboulonnable, peut très bien monter les uns contre les autres et mener l'université droit dans le mur.

Pour conclure ce passage et comme le dit Monthubert :

Les pouvoirs confiés aux présidences universitaires doivent être contre-balancés par une évaluation sérieuse et une politique nationale de développement de la recherche.


Les personnels

Sans préjudice des compétences qui lui sont attribuées par la loi ou le
règlement, le conseil d'administration détermine la politique de l'établissement et délibère :
– sur proposition du président de l'établissement et dans le respect des priorités nationales, sur la répartition des emplois qui lui sont alloués par les ministres compétents.

Art. L. 712-10. – Le président peut recruter, sur les ressources propres de l’établissement, des agents contractuels pour occuper des emplois, permanents ou non, de catégorie A, notamment des emplois techniques administratifs de recherche et de formation.
Par dérogation aux dispositions de l’article L. 952-6, le président peut également recruter des agents contractuels pour occuper des emplois d’enseignement et des emplois scientifiques après avis du comité de sélection prévu à l’article L. 952-6-1.

Art. L. 712-11. – Par dérogation aux dispositions de l’article L. 952-4, le conseil d’administration définit, dans le respect des dispositions statutaires applicables et des missions de formation initiale et continue de l’établissement, les principes généraux de répartition des obligations de service des personnels enseignants et de recherche entre les activités d’enseignement, de recherche et les autres missions qui peuvent être confiées à ces personnels.

Art. L. 712-12. – Le président est responsable de l’attribution des primes aux personnels qui sont affectés à l’établissement. En outre, le conseil d’administration peut créer des dispositifs d’intéressement permettant d’améliorer la rémunération des personnels. Les
modalités d’application de cet alinéa sont précisées par décret.



Pour le recrutement des enseignants chercheurs en lui-même, cela ne me paraît pas très différent de la situation actuelle. Cela ne me réjouit guère; je crois qu'il faudrait attribuer les postes aux labos et leur déléguer tout le processus (ça éviterait d'avoir ces commissions de spécialistes pléthoriques, protéiformes et bien souvent incompétentes sur les sujets des candidats).

Par ailleurs, je suis dubitatif :
  • sur le recrutement d'enseignants contractuels vacataires. J'imagine que cela correspondra aux moniteurs, mais pas seulement. A tous les coups on va voir la même chose que dans l'éducation nationale : des jeunes docteurs ne trouvant pas de débouchés dans la recherche à qui on va donner des bouts de charges d'enseignement par ci par là, avant d'être jetés quand on n'aura plus besoin d'eux.
  • sur la modulation libre entre l'enseignement et la recherche, qui risque de se transformer et d'être vécu par les personnels comme la carotte (recherche) et le bâton (enseignement)
  • sur la tarte à la crème des primes au mérite (on récompensera quoi au juste ? et surtout qui ? les moniteurs auront-ils droit à ces primes par exemple?)

En d'autres termes, la guerre au statut est annoncée. Il est de bon ton dans certaines instances dirigeantes en France de critiquer toute idée de statut. Or, aux Etats-Unis par exemple, les chercheurs ont effectivement un statut. Les règles et les contrats sont extrêmement clairs : vous êtes par exemple recrutés pour 5 ans avec une grant , devez obligatoirement trouver une grant, et après ces 5 ans, vous êtes recrutés par l'université si elle est d'accord. Les charges d'enseignement sont également claires et définies à l'avance. Un truc qu'il faut voir est que les universités se font la guerre sur ce statut de chercheur aux Etats-Unis : les universités essaient d'attirer les profs là-dessus. Un ami par exemple avait le choix récemment entre une université lui proposant une tenure track classique (5 ans, demandes de grant à faire, puis évaluation pour devenir permanent) et une autre lui proposant des grants conséquentes de 7 ans, renouvelables, mais ne lui proposant aucune titularisation à terme. Il a choisi la première solution, choix d'une certaine stabilité - y compris familiale.
Pour conclure, rien n'est moins attractif qu'un flou artistique complet, sur le mode du "on peut vous virer, vous couper les vivres, vous doubler votre charge d'enseignement quand on veut". Moi, cela ne m'attire pas du tout.

Inscription des étudiants :


[Pour le premier cycle] Tout candidat est libre de s'inscrire dans l'établissement de son choix, sous réserve d’avoir préalablement sollicité une préinscription de façon qu’il puisse bénéficier du dispositif d’information et d’orientation dudit établissement.

L'admission dans les formations du deuxième cycle est ouverte, dans les conditions définies par le conseil d’administration, aux titulaires des diplômes sanctionnant les études de premier cycle ainsi qu'à ceux qui peuvent bénéficier des dispositions de l'article L. 613-5 ou des dérogations prévues par les textes réglementaires.


L'UNEF considère qu'avec la préinscription "le gouvernement ouvre une brèche au mieux inefficace et au pire dangereuse". Je ne suis pas opposé au principe d'une discussion sur les orientations tant qu'on n'oblige personne et que ce n'est pas un mode de sélection larvée, comme souvent pour les orientations en France malheureusement.
Enfin, l'UNEF dénonce le second paragraphe comme un principe de sélection local. Je remarquerai juste qu'à ma connaissance, la sélection existe déjà au niveau Master dans les faits.

Pour conclure, réforme bien française : un chef décide, les principaux acteurs exécutent (subissent ?), il faut que le Président ait accès à toutes les manettes, et plus on descend dans la hiérarchie, plus on est soumis aux aléas du niveau supérieur. C'est probablement intéressant quand le Président tout en haut sait ce qu'il fait.

2 commentaires:

Matthieu a dit…

Je suis assez d'accord avec toi, jusqu'a l'étape sur la selection. Il y a naturellement une selection des meilleurs etudiants dans les filieres les plus demandees et les plus competitives, il serait plus sain que cela se fasse dans la transparence et avec des regles claires - ce qui rejoint ce que tu disais sur les tenures tracks.

Tom Roud a dit…

Oui, tu as raison. Le plus gros problème actuel est le débouché des non sélectionnés. En fait, ce que je ne comprends pas du côté de l'UNEF est qu'ils dénoncent la sélection qui a lieu de toutes façons.
Mais gardons aussi à l'esprit qu'on manque d'étudiants, y compris et surtout dans des filières sélectives (sciences).