Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

31 mars 2006

Mère patrie

Demain je rentre pour quelques jours en France. Je ne bloguerai donc probablement pas la semaine prochaine ! Mais ma conscience politique va sûrement se trouver régénérée par un séjour dans notre patrie en pleine fronde...
En attendant, je vous laisse méditer sur une question hautement politique qui me taraude depuis quelques mois déjà : cela fait plus d'un an que je lis des blogs, et j'ai de plus en plus l'impression que sur le plan politique, la blogosphère est majoritairement de droite, et ne s'assume en général pas, la stratégie optimale étant de substituer un raisonnement scientifique ou juridique -les avocats adorent bloguer- à une opinion bien affirmée. L'exemple du CPE récent en est une caricature. Même s'il ne s'agit pas d'un blog, souvenons-nous également de cet article mythique du Figaro, intitulé "Moi, lycéen, je suis pour le CPE", écrit par un papi de 80 ans... Récemment ont également fleuri quelques opinions assez tranchées sur notre système de recherche, opinions largement à côté de la plaque selon moi et étant typiquement le fruit de considérations/comparaisons pseudo-rigoureuses avec d'autres pays . Tout cela pour dire que le blog me paraît être bien souvent un moyen d'expression de personnes bien établies, avec des opinions assez arrêtées sur pas mal de problèmes, mais un peu déconnectées de certaines réalités du terrain -c'est mon sentiment pour la recherche en particulier, et cela ne m'inspire par corollaire rien de bon sur les blogueurs parlant de société ou d'économie- d'où une "droitisation" du discours, étant donné que les solutions dites "réalistes" sont plutôt d'inspiration libérales socialement et économiquement. Alors, votre opinion ?

29 mars 2006

Descendez-vous de Genghis Khan ?


C'est la question que les lecteurs de ce blog d'origine asiatique peuvent se poser. De fait, la génétique du chromosome Y permet de retracer l'histoire des lignées mâles, comme l'imaginaient les nationalistes Japonais. Le problème, c'est que par pur effet de dérive génétique, il se trouve que nombreux sont les hommes partageant les mêmes marqueurs et donc le même ancêtre, donc la lignée est en général assez fournie (d'où l'échec de nos camarades nippons) ! Récemment, Zerjal et al., dans un article publié dans Am. J. Hum. Genet. ont ainsi remarqué qu'un certain groupe de marqueurs très spécifiques étaient très répandus en Asie (au total 0.5 % de la population mondiale !). Ces marqueurs sont très bien conservés dans la population : cela veut dire qu'ils ont eu très peu de temps pour muter. Ceci indique que l'ancêtre commun de tous ces hommes a en fait vécu très récemment, et des modèles informatiques situent il y a environ 1000 ans l'ancêtre commun.
Autrement dit, un homme a vécu il y a 1000 ans, et 8% des Asiatiques descendent de cet homme. En fait, cela signifie concrètement que ces descendants ont eu, en moyenne sur 1000 ans, 36% d'enfants en plus à chaque génération que le pékin moyen. C'est évidemment énorme et ne peut être expliqué par la sélection naturelle ! La seule explication plausible est qu'en fait, il y a eu sélection sociale. Genghis Khan et sa famille ont établi dans cette région il y a 800 ans un Empire très étendu, ont souvent massacré la population locale et mis au pouvoir des membres de leur famille qui ont eu des descendances très prolifiques. Même si l'Empire Mongol s'est effondré, les descendants de Genghis Khan se sont maintenus au pouvoir, et ont donc vraisemblablement bénéficié d'avantages sociaux certains (richesse, pouvoir, et donc femmes...). D'où la distribution particulière de ce marqueur. En fait, on s'aperçoit également que les frontières de l'Empire Mongol semblent coller avec la répartition géographique de ces marqueurs Y, à l'exception d'une lignée pakistanaise, les Hazaras. Mais ceux-ci prétendent justement descendre de Genghis Khan, et cela semble donc confirmé par la génétique !

Référence : Zerjal et al. Am. J. Hum. Genet., 72:717-721, 2003

24 mars 2006

Web 2.0


Suite à cet article de Libé, je suis allé me perdre dans les méandres du soi-disant Web 2.0... et j'y ai trouvé des choses assez intéressantes, surtout pour nous linuxiens qui souffront régulièrement de la domination sans partage de Micro$oft . Ainsi, depuis techcrunch, j'ai découvert comment on pouvait lancer un émulateur d'office sur le web... Très impressionnant, on peut rédiger un .doc et le sauvegarder en local. Apparemment, on peut même faire du powerpoint avec un autre logiciel (je ne l'ai pas encore essayé toutefois...). Toutes ces applications semblent reposer sur une nouvelle technologie, appelée AJAX, acronyme pour Asynchronous JavaScript And XML, permettant de développer des applications web très interactives. Apparemment, l'idée générale qui se développe est de transférer sur le web tout ce que l'utilisateur lambda fait en local (traitement de texte, mail...). Jetez par exemple un coup d'oeil à NetVibes, sorte de portail configurable pour mettre à disposition tous vos besoins informatiques (fils RSS, blogs, e-mails, météo, shopping...) depuis un navigateur web. A priori, l'idée est séduisante, mais ai-je vraiment envie à titre personnel de stocker toutes mes données sur la toile (même sous accès hyper sécurisé ?). Une autre question me titille également : comment les boîtes émulant Office notamment, comptent-elles être rentables ?

22 mars 2006

Sélection naturelle et religion...


Un article intéressant du times est signalé ... par mes amis les ID ! Il s'agit d'une revue d'un livre récemment écrit pas Lewis Wolpert, qui nous entretient du rapport entre sélection naturelle et croyance. J'aimerais me procurer ce livre, qui me semble tout à fait intéressant.
Si j'ai bien compris, selon Wolpert, la croyance est intrinsèquement liée à la notion de causalité, qui constitue en quelque sorte le fondement de notre humanité. En effet, il est impossible de fabriquer un outil complexe si l'on ne conçoit pas par avance ce que l'on souhaite faire, par exemple fixer une pierre aiguisée sur un bâton afin de fabriquer une hache. Autrement dit, ce qui fait l'humanité est cette faculté à comprendre et à influer sur les enchaînements des causes/conséquences. Cette faculté à anticiper les conséquences a été sélectionnée par l'évolution et s'est alors accompagnée de son corollaire naturel, la faculté de comprendre les causes. D'où la nécessité de créer des causes "imaginaires", des croyances, pour expliquer l'incompréhensible (catastrophes naturelles, maladies)... L'article explique par ailleurs qu'en général, même confrontés à des faits, nous préférons bien souvent nous en tenir à nos croyances, qui nous semblent être de meilleurs guides...
Je trouve cette idée intéressante. Pourtant, je me demande s'il n'y aurait pas également une sélection positive de la croyance. J'ai le sentiment qu'un groupe social, partageant un but et des croyances communes (comme la croyance en un au-delà ou en une vie terrestre meilleure) est bien plus fort collectivement. L'avantage de la croyance est peut-être aussi qu'elle balaie le doute, qui est certainement contre-productif lorsqu'il s'agit de fuir une bête sauvage, de se battre contre la tribu ennemie, ou de chasser le mammouth...

21 mars 2006

Le chant des souris...


Incroyable mais vrai : les souris chantent ! Dans un papier récent de Plos Biology (accessible gratuitement), Holy et Guo ont montré que les vibrations ultrasoniques émises par des mâles exposés à des phéromones femelles avaient toutes les caractéristiques d'un chant, à savoir la répétition de syllabes distinctes, agencées suivant des phrases répétées régulièrement !

Si vous voulez donc entendre à quoi ressemble le chant d'une souris mâle en rut (ralenti 16 fois), cliquez ici. Vous ne trouvez pas que la souris mâle a un petit côté Aldo Maccione ? 8-)

20 mars 2006

Sauvons la recherche !


Depuis cette rive de l'Atlantique, je continue de suivre régulièrement l'évolution de la recherche française. Un article récent des Echos a attiré mon attention pour plusieurs raisons. Pas de surprises, l'article est évidemment très critique vis-à-vis du système de recherche français. Cela dit, il m'a inspiré plusieurs recherches et commentaires.

Tout d'abord, l'article parle de perte de vitesse de la recherche française durant la décennie 1994-2004. Je suis donc allé sur le site de l'ISI et ai regardé la page concernant la France, et on s'aperçoit que les choses ne sont pas si noires. Tout d'abord, la France est la 5ième puissance scientifique mondiale (en termes de citations), derrière les USA, l'Angleterre (et pas le Royaume-Uni, étrange), l'Allemagne et le Japon. Pas de quoi être démesurément fier, mais pas de quoi non plus s'auto-flageller. Ensuite, malheureusement, je n'ai pas trouvé de comparaisons explicites entre les pays, donc je me base sur une analyse à vue des graphiques pour comparer l'évolution au cours des dix dernières années. Le constat semble être que la France perd légèrement du terrain : effectivement il semble que le nombre de publications augmente légèrement moins vite que par rapport à d'autres pays. D'après les Echos, "Cette baisse de régime a longtemps été masquée par les récriminations des chercheurs victimes des rigueurs de Bercy et les revendications syndicales réclamant des postes de chercheurs statutaires supplémentaires. Mais en fait, le décrochage remonte au début des années 1990. Il s'agit donc d'une érosion lente qui paraît structurelle." S'ensuivent dans cet article des considérations plus ou moins heureuses sur les paresseux de fonctionnaires qui peuplent les labos français. Quand je regarde les courbes ci-dessus, je m'interroge quant au caractère très hâtif de ces conclusions.

Essayons d'adopter une démarche scientifique. Les Echos nous disent en somme : le système est mauvais, balayons tout et adoptons le système "anglo-saxon". Essayons de commenter ces deux assertions. Le système est-il mauvais ? Premier point, totalement négligé : nous nous sommes hissés à la cinquième place mondiale avec ce système ! Ensuite, si érosion il y a, elle est effectivement très lente, et se traduit en fait non pas par une baisse, mais par une croissance moins importante de ces différents indicateurs. Cela vient-il vraiment de la structure de la recherche ? Peut-être y a-t-il d'autres facteurs conjoncturels qui expliquent cette érosion. Par exemple, si on regarde ce rapport de l'OCDE sur la France, on s'aperçoit que les dépenses de recherche aujourd'hui sont en-dessous de ce qu'elles étaient au milieu des années 90, point de départ de cette étude. C'est d'ailleurs cette stagnation dans les moyens qui a provoqué le mouvement SLR. Les Echos nous sortent une comparaison avec le Royaume-Uni. Or, il faut bien constater qu'en matière de R&D, en comparaison avec tous les autres pays, le Royaume-uni est une totale exception, et semble effectivement avoir des performances très bonnes avec un budget très bas. Excluons donc le Royaume-uni, pour l'instant et concentrons-nous sur les autres gros. Les Etats-Unis ont augmenté leurs dépenses de recherche de 7% anuellement entre 2000 et 2005, le Japon de 6% entre 95 et 2003, l'Allemagne est passée de 2.1 % du PNB en 96 à 2.6%. Ces trois pays dépensent également beaucoup plus que la France en chiffres absolus. Une statistique significative pourrait être donc par exemple de regarder la corrélation entre la progression des indicateurs de qualité de la recherche et celle de son budget. Cela donnerait une bonne information sur la réponse du système à l'argent injecté, et permettrait de voir si notre système est efficace. Cela serait certainement plus informatif que les commentaires poujado scientifiques (un "cancer") de rédacteur en chef de revue n'ayant jamais fait de recherche.

Maintenant, si le système est réellement globalement moins efficace (ce qui, n'en déplaise à certains, reste à démontrer, même si on connaît tous des exemples d'abus), examinons les propositions de réforme des Echos. Le journal remarque tout d'abord que les Anglais concentrent très fortement leurs moyens scientifiques dans 3 pôles. Je ne suis pas loin de penser que c'est là la clé du dynamisme scientifique anglais (85% de la recherche à Londres !). D'expérience, effectivement, la science a besoin de concentration des moyens financiers et humains. Or, la politique scientifique en France est peut-être trop souvent liée à des soucis d'aménagement du territoire. C'est le seul bon point de l'article à mon avis.

Car evidemment, l'article se conclut sur l'inévitable critique des statuts. En somme, le système anglo-saxon du permanent à la tête de sa vingtaine de post-docs/doctorants (venant du monde entier) apparaît comme la solution à nos problèmes pour le journaliste des Echos. Je pense personnellement que cette solution n'est tout simplement pas viable dans la société française telle qu'elle est aujourd'hui. En France, personne n'a réellement intérêt à faire de thèse une fois le DESS ou le diplôme d'ingénieur en poche. En effet, l'industrie recrute ses "hauts profils" essentiellement à Bac+5, contrairement à ce qui se fait dans tous les autres pays. En général, seuls les futurs chercheurs (ou en tous cas ceux qui le projettent de le devenir) se lancent dans une thèse. Donc , il y a probablement beaucoup moins d'étudiants en thèse en proportion que dans les autres pays (en gros, la plupart des ingénieurs devraient faire une thèse pour avoir une population équivalente) et il est impossible d'avoir une armée de doctorants français, et de fait il devient de plus en plus difficile de trouver des étudiants en thèse. Quant à attirer les étrangers, il faudrait pour cela doubler voire tripler toutes les bourses/allocations (les salaires des permanents français débutants sont risibles comparés aux salaires offerts en post-doc...). Tout cela pour dire que mon sentiment est qu'on pourrait sûrement rendre le système plus efficace à peu de frais, et qu'à trop lorgner vers l'étranger, on risque de se tirer une belle balle dans le pied...

15 mars 2006

Hello world !


Ouh la la, une semaine sans billet ! Rien ne va plus ! Rassurez-vous, je ne suis pas mort, mais juste en train d'approfondir ma connaissance de l'algorithmique et des automates cellulaires...
Parlons donc informatique pour une fois. Comme vous le savez sûrement, il existe des problèmes insolubles informatiquement (indécidables). L'exemple canonique de premier programme que tout un chacun étudie est le fameux "printf("hello, world\n");". Facile de savoir ce que fait cette simple ligne. Pourtant, ils est possible de démontrer qu'il est impossible de fabriquer un programme informatique qui testera à coup sûr si un programme écrira en sortie un "hello, world \n".

Démonstration par l'absurde : supposons qu'un tel programme H existe. Ce programme prend en entrée un programme P, un input d'exécution I de ce programme, et répond "oui" ou "non" selon que le programme affiche en sortie "hello, world\n". Soyons maintenant pervers : remplaçons le "non" en sortie par "hello, world\n". Considérons que I est le programme P lui-même, si bien que P se prend lui-même comme input. Appelons ce nouveau programme H modifié H' : H' renvoie donc ce qui arrive lorsqu'un programme P s'exécute avec son propre code en input, et répond "oui" si P exécuté sur lui-même affiche "hello, world\n" , et "hello, world\n" sinon. Prenons maintenant P=H', et évaluons s'il imprime "hello, world\n" à l'aide H'. Si cette exécution nous répond "oui", cela signifie que H' évalué avec H' comme input affiche "hello, world\n". Absurdité, il ne répond donc pas "oui" ! Maintenant, si H' évalué avec H' en input donne "hello, world\n", et bien la phrase magique est affichée, donc cette exécution doit renvoyer "oui". Deuxième absurdité.
Nous venons donc de démontrer par l'absurde qu'il est impossible de savoir si un programme affiche "hello, world\n" ! Vive l'informatique !

En photo : Alan Turing, père de l'informatique. Il s'est suicidé en mangeant une pomme empoisonnée... brrrrrr.....

Référence : Introduction to Automata Theory, Languages, and Computation, Hopcroft, Motwani, Ullman.