Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

20 juin 2006

France / Etats-Unis : Allez !

Avec la coupe du monde, des différences profondes dans la manière d'appréhender des événements similaires se révèlent dans la façon dont Français et Américains envisagent la suite de la compétition pour leurs équipes respectives. D'un côté, les Américains : un point en deux matches, une raclée prise d'entrée contre la République Tchèque, deux joueurs suspendus pour le prochain match, une victoire indispensable contre le Ghana (avec une bonne différence de buts). De l'autre la France : deux points en deux matches, des erreurs d'arbitrage en sa défaveur, deux joueurs suspendus pour le prochain match, une victoire indispensable contre le Togo (avec une bonne différence de buts).
Deux situations quasiment identiques a priori. Et pourtant... Ici, les Américains y croient dur comme fer depuis le début de la compétition (vous vous rendez compte, ils ont été quart de finaliste en 2002, quel exploit extraordinaire ! ils peuvent le refaire). De l'autre, les Français, si j'en crois la presse et les diverses réactions de pseudosupporters, n'y croient plus du tout, critiquent à tout va (Libé a même prétendu que la France était quasi-éliminée, ce qui est presque de la desinformation), glosent sur les relations tendues de Domenech et Zidane, fustigent une équipe de "privilégiés", incapables de mouiller le maillot, dénoncent un jeu indigent (on n'a pas dû voir les mêmes matches alors, surtout la première mi-temps de France-Corée) et se réjouissent presque d'une débâcle annoncée voire souhaitée. Or, soyons sérieux cinq minutes : les chances de la France sont objectivement assez grandes, celles des US quasi-nulles. Il nous "suffit" de battre le Togo par deux buts d'écart, ce qui est difficile mais loin d'être exclu (souvenons-nous de la façon dont la Côte d'Ivoire, si brillante, avait été écrasée il y a moins d'un an par nos Bleus de retour). J'ai le sentiment qu'en toute objectivité, nos éditorialistes sportifs sont à côté de la plaque dans leur analyse, ce qui ne serait pas très grave si cet autodénigrement systématique n'avait pas l'air de peser de plus en plus sur nos joueurs, et pourrait amener effectivement au désastre anoncé.
Je me pique un petit délire dans ce qui suit... En lisant les journaux et les commentateurs sportifs, je ne peux m'empêcher de penser à toute cette vague de déclinisme et d'autoflagellation caractéristique des éditoriaux français ces derniers mois. Qu'en est-il par exemple réellement de la situation économique française ? Est-elle aussi catastrophique qu'annoncée, comme celle de notre équipe de France ? La France est-elle un pays si horrible qu'on le dit ? Pour parler chiffres (critère suprême d'objectivité) est-ce si grave d'avoir 1000 milliards d'euros de dettes et une équipe de foot avec 31 ans de moyenne d'âge ? Bien souvent, les journalistes/éditorialistes spécialisés ont à peu près les mêmes relations avec leur domaine fétiche que nos consultants sportifs avec le foot (depuis l'observateur historique mais incompétent jusqu'à l'ancien personnage clé reconverti dans le journalisme). Et les commentaires sont identiques : il faut tout reconstruire, s'inspirer des autres pays, oublier le passé pour vivre dans la modernité, car notre pays va droit au mur sinon - sans compter l'ultra classique "c'était mieux avant" ou pire "cela fait X années qu'on a laissé la situation se dégrader" (X=20 en économie, 5 en foot). Les succès d'hier deviennent la preuve même de la soi-disant pourriture actuelle du système : champions du Monde et d'Europe de foot, nous n'avons prétendument pas su "évoluer", comme notre système économique par exemple, et nous sommes à la veille d'un effondrement généralisé. Tout le monde finit par adhérer à cette vision de la réalité; un tour sur la blogosphère vous révélera par exemple que les blogueurs réformistes-libéraux-anti-fonction-publique sont à peu près aussi nombreux que ceux qui réclament la tête de Zidane ou Domenech (et sont parfois une seule et même personne d'ailleurs !). L'analyse politique et économique a-t-elle déteint sur le foot, ou ne serions-nous plutôt pas des grincheux chroniques ? De ce côté de l'Atlantique au contraire, l'optimisme est de mise et généralisé, on croit dans les héros locaux (sportifs et économiques), et s'ils se plantent, ils feront mieux la prochaine fois. J'ai parfois l'impression que nos "leaders" d'opinion ont inventé une sorte d'anti-méthode Coué : surtout disons que nous sommes nuls, histoire d'être surs de le devenir...

En tous cas et pour conclure, moi, j'y crois (peut-être encore naivement ) à cette équipe de France. Je sens bien un scénario à l'italienne : qualification laborieuse, matches tendus et serrés mais bon parcours au final. Trois mots donc pour finir : Allez les Bleus !!


Ajout 22 Juin : apparemment, je ne suis pas le seul à penser cela...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tiens, ça fait plaisirs de lire ces lignes, un peu d'espoir que diable, Pandore n'a pas laissé tout s'échapper, un peu d'optimisme, de motivation, de volonté et d'avenant.

Au dela du sport, je pense que cette morosité ambiante se révèle également par l'expatriation de nos chercheurs ;p

mnc

Tom Roud a dit…

Oui, un peu d'espoir !

En ce qui concerne la recherche, cette morosité est effectivement très néfaste : la plupart des jeunes docteurs partent en post-doc sans trop savoir s'ils ont un avenir en France, les commentaires sur le déclin français n'incitent pas à l'optimisme, sans compter qu'il est vrai qu'il y a peu de postes et que le retour est en général difficile (je parle en connaissance de cause, j'ai passé le concours du CNRS cette année). Du coup, dès qu'une opportunité se présente ici, entre un pays présenté comme tout pourri (qui ne vous propose rien à court terme) et une nation présentée comme le fer de lance de la science mondiale, le choix n'est pas forcément la mère-patrie (et ceux qui me connaissent personnellement voient de quoi je parle)... C'est vraiment très dommage, car pour collaborer actuellement à la fois avec des Français et des Américains, je peux vous dire que l'enthousiasme et le dynamisme ne sont pas toujours de ce côté de l'Atlantique. Quand un chercheur CNRS cherche, un chercheur américain passe 50% de son temps à faire de la paperasse, trouver des grants ... Il y a d'autres avantages ici, bien sûr, comme plus de moyens par exemple, mais au final, je pense que la France ne s'en tire pas si mal, et je souhaite y revenir dès que possible.