L'héritage de Néanderthal
L'évolution de l'homme est un sujet fascinant et très chaud actuellement. Bruce Lahn et son équipe à l'université de Chicago ont choisi de s'attaquer à la comparaison de l'homme avec les autres espèces en se focalisant sur l'organe le plus spécifiquement humain : notre cerveau.
L'idée de base est assez simple : on connaît beaucoup de gènes impliqués soit dans le développement du cerveau, soit dans les processus neurologiques. Peut-on étudier spécifiquement l'évolution de ces gènes dans la lignée humaine en comparaison des autres lignées ? Les méthodes d'études sont relativement standards : on compare les séquences génétiques de ces gènes bien connus entre l'homme, le macaque, les souris, les rats, les oiseaux, les félins... et on regarde comment les séquences divergent en comparaison de séquences témoins, les "house-keeping" genes (i.e. les gènes standards communs à toutes les espèces veillant au bon fonctionnement cellulaire).
Premièr résultat : les gènes impliqués dans le développement du système nerveux ont évolué beaucoup plus vite dans la lignée humaine que dans les autres lignées animales. L'évolution ne concerne pas seulement les régulations génétiques : elle concerne aussi les séquences mêmes. Autrement dit, les protéines sont plus complexes chez l'homme que chez les autres animaux, ce qui est assez surprenant quand on sait que les gènes du développement sont en général plutôt conservés.
Lahn et son équipe ont alors regardé plus spécifiquement l'évolution de gènes ayant assez fortement divergé. Microcephalin en particulier est un gène qui régule la taille du cerveau. L'étude de ce gène est tout à fait fascinante : non seulement les allèles humains sont très différents des allèles des autres animaux, mais à l'intérieur de la population humaine même, les humains n'ont pas tous le même allèle. Un haplotype particulier domine dans la population mondiale, à 70 %. A l'image du chromosome Y de Genghis Khan, les données concernant cet haplotype suggèrent qu'il a été spécifiquement sélectionné. Le plus étonnant, est que toute la population humaine ne possède pas encore cet haplotype : cela signifie que pour cet allèle, le processus de sélection naturelle est encore en cours. Autrement dit, le cerveau humain est en ce moment même en train d'évoluer.
Autre fait très surprenant : les données montrent que cet haplotype est apparu dans la population humaine il y a 40 000 ans. Pourtant, quand on regarde les arbres phylogénétiques, on s'aperçoit que l'haplotype sélectionné est assez différent des haplotypes similaires dans la lignée humaine : il a divergé il y a un million d'années. Comment donc cet haplotype a pu apparaître chez homo sapiens après avoir évolué indépendamment pendant 1 million d'années ? La seule explication est que sapiens a dû alors se reproduire avec une autre espèce (humaine), possédant cet haplotype particulier, ce qui a ensuite donné un avantage sélectif décisif aux individus hybrides si bien que nous descendons tous aujourd'hui de ceux-ci. Il y a justement 40 000 ans disparaissait Néanderthal, et ces données suggèrent donc que celui-ci aurait pu nous léguer avant son extinction un héritage inestimable : un cerveau plus adapté...
Références :
Microcephalin, a Gene Regulating Brain Size, Continues to Evolve Adaptively in Humans, Evans et al., Science 9 September 2005, Vol. 309. no. 5741
Un article du New York Times où Lahn évoque (très brièvement) cette hypothèse novatrice, l'article scientifique est sous presse...
L'idée de base est assez simple : on connaît beaucoup de gènes impliqués soit dans le développement du cerveau, soit dans les processus neurologiques. Peut-on étudier spécifiquement l'évolution de ces gènes dans la lignée humaine en comparaison des autres lignées ? Les méthodes d'études sont relativement standards : on compare les séquences génétiques de ces gènes bien connus entre l'homme, le macaque, les souris, les rats, les oiseaux, les félins... et on regarde comment les séquences divergent en comparaison de séquences témoins, les "house-keeping" genes (i.e. les gènes standards communs à toutes les espèces veillant au bon fonctionnement cellulaire).
Premièr résultat : les gènes impliqués dans le développement du système nerveux ont évolué beaucoup plus vite dans la lignée humaine que dans les autres lignées animales. L'évolution ne concerne pas seulement les régulations génétiques : elle concerne aussi les séquences mêmes. Autrement dit, les protéines sont plus complexes chez l'homme que chez les autres animaux, ce qui est assez surprenant quand on sait que les gènes du développement sont en général plutôt conservés.
Lahn et son équipe ont alors regardé plus spécifiquement l'évolution de gènes ayant assez fortement divergé. Microcephalin en particulier est un gène qui régule la taille du cerveau. L'étude de ce gène est tout à fait fascinante : non seulement les allèles humains sont très différents des allèles des autres animaux, mais à l'intérieur de la population humaine même, les humains n'ont pas tous le même allèle. Un haplotype particulier domine dans la population mondiale, à 70 %. A l'image du chromosome Y de Genghis Khan, les données concernant cet haplotype suggèrent qu'il a été spécifiquement sélectionné. Le plus étonnant, est que toute la population humaine ne possède pas encore cet haplotype : cela signifie que pour cet allèle, le processus de sélection naturelle est encore en cours. Autrement dit, le cerveau humain est en ce moment même en train d'évoluer.
Autre fait très surprenant : les données montrent que cet haplotype est apparu dans la population humaine il y a 40 000 ans. Pourtant, quand on regarde les arbres phylogénétiques, on s'aperçoit que l'haplotype sélectionné est assez différent des haplotypes similaires dans la lignée humaine : il a divergé il y a un million d'années. Comment donc cet haplotype a pu apparaître chez homo sapiens après avoir évolué indépendamment pendant 1 million d'années ? La seule explication est que sapiens a dû alors se reproduire avec une autre espèce (humaine), possédant cet haplotype particulier, ce qui a ensuite donné un avantage sélectif décisif aux individus hybrides si bien que nous descendons tous aujourd'hui de ceux-ci. Il y a justement 40 000 ans disparaissait Néanderthal, et ces données suggèrent donc que celui-ci aurait pu nous léguer avant son extinction un héritage inestimable : un cerveau plus adapté...
Références :
Microcephalin, a Gene Regulating Brain Size, Continues to Evolve Adaptively in Humans, Evans et al., Science 9 September 2005, Vol. 309. no. 5741
Un article du New York Times où Lahn évoque (très brièvement) cette hypothèse novatrice, l'article scientifique est sous presse...
7 commentaires:
Neanderthalis et sapiens pourrait alors se croiser?
C'est ce que Lahn pense (même si un article récent de Plos biology affirme le contraire). Un des arguments est qu'après tout, des espèces beaucoup plus éloignés a priori peuvent se croiser (cf d'ailleurs un billet précédent http://tomroud.blogspot.com/2006/05/billet-express.html : les hommes et les chimpanzés se sont allègrement hybridés). Et puis, il suffit que cela se soit produit une seule fois...
Dans tous les cas, la seule solution serait d'avoir un exemplaire d'ADN de Néanderthal. Si on s'aperçoit que le gène Microcephalin est identique à celui de ce fameux haplotype, cela validerait totalement son hypothèse !
>"Autrement dit, le cerveau humain est en ce moment même en train d'évoluer."
Encore heureux, non?
Je ne vois pas bien ce qui pourrait ne plus evoluer, en fait...
>Encore heureux, non?
>Je ne vois pas bien ce qui pourrait ne >plus evoluer, en fait...
Oui et non. Il existe des organismes qui sont si bien adaptés qu'ils n'évoluent pratiquement plus (par exemple les fameux coelacanthes, je pense également qu'il doit y avoir des plantes qui n'ont pas bougé depuis plusieurs millions d'années).
On pourrait penser que le cerveau humain est si bien adapté qu'il n'y a plus de pression de sélection sur celui-ci (as-tu de meilleures chances de te reproduire si tu es plus par exemple intelligent ? j'en doute personnellement...). Ce qui est sûr c'est qu'on a la preuve avec ces travaux qu'on est au milieu d'une phase d'évolution pour ce gène particulier au cerveau.
Ok, je crois comprendre ta reponse. Néanmoins, on peut se demander si quelqu'un de plus intelligent a nécessairement un cerveau "mieux adapté" a la pression de selection. N'oublie pas que mieux adapté ne signife pas forcément plus performant.
Sinon, les thésards et les post-docs seraient entourées des plus belles filles de la planete, n'est ce pas? Enfin, peut etre est ce le cas a New York!!!
>Néanmoins, on peut se demander si >quelqu'un de plus intelligent a >nécessairement un cerveau "mieux adapté" a >la pression de selection. N'oublie pas >que mieux adapté ne signife pas forcément >plus performant.
Ca c'est sûr... L'adaptation aujourd'hui consiste peut-être à préférer passer des heures à faire de la muscu plutôt que de lire des bouquins. En tous les cas, c'est comme ça à New York !
>Sinon, les thésards et les post-docs >seraient entourées des plus belles >filles de la planete, n'est ce pas? >Enfin, peut etre est ce le cas a New >York!!!
Euh, non... ;) cf plus haut.
Une des questions par ailleurs est de savoir pourquoi est-on attiré par les "plus belles filles du monde" : quel est l'avantage évolutif (pour l'attiré, pas pour l'attirant !). Est-ce juste totalement arbitraire ?
Ah oui, j'oubliais : chez les crapauds en tous cas, le "beau" est synonyme de longueur du cri, qui est un indicateur de "bon gène".
http://tomroud.blogspot.com/2006/07/fier-comme-un-crapaud.html
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