Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

26 janvier 2006

Science : l'évolution de la spéciation


Même si son oeuvre majeure s'intitule "l'origine des espèces", Darwin n'a pas réellement trouvé de réponse satisfaisante au phénomène de spéciation. A ma gauche, nous avons la jument, et à ma droite l'âne. Jument et âne peuvent être croisés pour donner un mulet, indiquant leur proximité dans l'évolution. Cependant, ce mulet est stérile, l'âne et le cheval sont deux espèces différentes. Considérons maintenant leur ancêtre commun (appelons-le chevâne par example). A un moment donné dans l'évolution, un chevâne donne naissance à un âne. Mais en l'absence d'autres ânes, comment cet âne peut-il se reproduire et transmettre ses gènes puisque deux espèces différentes ne peuvent donner naissance à un hybride fertile ?

Apparemment, ce problème était longuement débattu au début du siècle. Les lois de Mendel semblaient également à première vue contredire l'hypothèse génétique de spéciation. En effet, supposons par exemple qu'il existe un gène crucial déterminant la spéciation. Le génotype du cheval serait alors CC, tandis que le génotype de l'âne serait AA. L'hybride AC serait alors stérile. Maintenant, si tout hétérozygote est stérile, il est impossible d'avoir un mécanisme d'évolution expliquant la spéciation, puisque si CC mute en CA par exemple, ce dernier est stérile.

Du coup, les biologistes du début du siècle (le XXe...) ont cherché des explications ailleurs : par exemple, peut-être que les véritables marqueurs de l'espèce étaient dans le cytoplasme de la cellule (hypothèse assez amusante considérant le fait qu'on veuille aujourd'hui fabriquer des cellules souches humaines à partir d'ovocytes de ... lapin ! en même temps, si cela donne naissance à Jessica Rabbit...). Apparemment, le "tout-génétique" n'avait pas vraiment la côte à l'époque. La réponse est venue d'un certain Dobzhansky en 36, qui a redécouvert un mécanisme proposé par un certain Bateson - il y a eu beaucoup de redécouvertes en génétique. Supposons que l'espèce est déterminée par au moins deux gènes, par exemple a et c. Notre chevâne aurait par exemple le génotype aa-cc. Les ancêtres des ânes ont eu une mutation sur le gène a ce qui a donné Aa-cc, qui est rapidement devenu AA-cc. Les ancêtres des chevaux ont muté le gène c, ce qui a donné aa-Cc, qui est rapidement devenu aa-CC. Le mulet a pour génotype Aa-Cc : on voit alors que les ânes et les chevaux ont pu diverger sans passer par le mulet. Le paradoxe est levé : il suffit juste que A et C en même temps soient incompatibles, et ils ont pu apparaître indépendamment l'un de l'autre.... En fait, les expériences ont depuis montré que c'était effectivement par de tels mécanismes que des espèces pouvaient apparaître.

Cette théorie très amusante et les controverses associées peuvent être trouvées dans un papier d'H. Allen Orr, Genetics, 144: 1331-1335.

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