Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

04 juillet 2006

Lecture : Wonderful Life/ La vie est belle !


Feu Stephen Jay Gould était un paléontologiste assez connu du grand public pour ses talents de vulgarisation. Dans ce livre assez dense, il nous raconte l'aventure scientifique des fossiles des "Schistes de Burgess" (Burgess shale en anglais), et propose une vision pour le moins contingente de l'évolution - ce qui lui vaut une haine tenace de mes amis les ID.

Il y a plus de 500 millions d'années s'est produit une explosion évolutionnaire, baptisée "explosion cambrienne". En quelques dizaines de millions d'années, la vie animale se complexifie considérablement et passe du stade bactérien au stade multicellulaire, avec organes et donc gènes hyper-spécialisés (Urbilateria est apparu à peu près à cette époque). Un demi-milliard d'années s'écoule. Au début du siècle, Charles Walcott mène une expédition dans les montagnes de Burgess au Canada et met à jour plusieurs de dizaines de milliers de fossiles datant de cette époque. La faune est très variée et florissante, et représente une étape déjà avancée de cette poussée évolutive. A première vue, ces fossiles ressemblent beaucoup aux animaux actuels (notamment les arthropodes) et Walcott conclut qu'on a en fait retrouvé ici les ancêtres de tous les animaux modernes.

Les fossiles sont ensuite entreposés sagement dans les tiroirs du Smithonian Institute et dorment pendant près de 60 ans... Dans le même temps, les fouilles continuent sur le site de Burgess, et de nouvelles espèces sont découvertes. Harry Whittington et deux de ses étudiants, Simon Conway Morris et Derek Briggs réexaminent alors les travaux de Whittington ainsi que les fossiles déjà exhumés avec des méthodes plus modernes. A leur grande surprise, ils découvrent alors que les plans d'organisation de la plupart de ces fossiles ne collent pas du tout avec les plans d'organisation modernes. Leurs découvertes sont étonnantes : ils exhument des tiroirs du Smithonian (!) des êtres de cauchemar, cousins très éloignés des animaux actuels, ayant des structures totalement originales et inconnues aujourd'hui, à l'image d'Hallucigenia le bien nommé (illustration), sorte de ver hérissé de piquants aux tentacules informes.

C'est une véritable révolution épistémologique, contée ici par Gould : les fossiles de Burgess montrent clairement que tous les plans d'organisation des animaux modernes (par exemple le nombre de segments, le nombres de pattes, d'yeux) ont été extraordinairement plus variables dans le passé. La sélection naturelle (ou la dérive génétique) a ensuite éliminé la plus grande partie des animaux de cette époque pour ne conserver que les ancêtres des animaux actuels. La vision de l'évolution s'en trouve bouleversée : si les choses avaient été un peu différentes, nous aurions tous pu avoir cinq yeux et trois bras. Oubliez définitivement l'image de l'homme comme sommet du vivant, il n'y a ni progrès, ni chemin prétracé, ni événement remarquable donnant un avantage évolutif définitif : l'évolution n'est qu'une sorte de roulette russe, décimant les espèces totalement aléatoirement et diversifiant les survivants qui peuvent alors occuper les niches écologiques vidées par les extinctions successives...

Ce livre de vulgarisation est tout à fait passionnant : l'aventure scientifique est merveilleusement contée, Gould nous fait parfaitement comprendre les tenants et les aboutissants scientifiques (avec humour qui plus est) et nous livre ses réflexions sur l'évolution. Vous apprendrez par exemple pourquoi l'homme et le cheval sont en fait des culs-de-sac évolutionnaires !


Source de l'image : Smithonian institute

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je l'ai lu il y a un an, et je confirme qu'il est passionnant, même pour un profane ! Je me souviens d'avoir essayé à une pause café d'expliquer à mes collègues l'importance des découvertes à Burgess et avoir récolté une poignée de regards vides ...

D'ailleurs, tout Gould est bien, point final :)