Génétique vs Mécanique : quelques indications chez Xenope
Je poursuis ma série de billets sur le développement embryonnaire dans un billet qui va me permettre de compléter mes petites critiques des thèses de Vincent Fleury.
L'image ci-contre (source photo) représente des oeufs de Xenope, probablement juste avant la fécondation. Chaque oeuf n'est qu'une seule grosse cellule, avec beaucoup de matériel de base : rappelons que le tétard se développe presque entièrement avant d'être capable d'avaler quoi que ce soit. On voit très bien les deux pôles de l'oeuf : le pôle animal pigmenté et le pôle végétal plus clair. Après la fécondation, le pôle végétal devient plus dense (pour une raison mystérieuse pour moi) si bien que tous les embryons tournent leur pôle animal vers le haut; c'est d'ailleurs ce qui permet de savoir si un oeuf est fécondé.
S'ensuit alors une suite de divisions cellulaires par "clivage" : l'oeuf, grosse cellule unique d'1mm se divise en multitude de cellules, jusqu'à atteindre le stade blastula (voir dessin ci-contre, tirée d'un site illustrant toutes les étapes de la gastrulation). On reconnaît toujours le pôle animal pigmenté; de l'extérieur toutes les cellules ont l'air plus ou moins identiques.
Peu après commence la gastrulation qui aboutira à la formation du plan de base de l'organisme. Rappelons que c'est à ce moment que les choses sérieuses commencent : des mouvements cellulaires vont se produire, et en particulier, dans un ballet cellulaire complexe, les cellules du haut du pôle animal vont migrer, se déplacer le long de l'embryon, puis rentrer à l'intérieur de celui-ci, remonter le long du futur tube digestif pour former le système nerveux central.
Evidemment, l'une des questions centrales est de savoir pourquoi et comment tout ceci se met en place. Et certaines expériences tout à fait fascinantes nous éclairent déjà sur les rôles respectifs de la génétique et de la mécanique dans ce procédé.
Une expérience classique consiste à découper une partie du pôle animal de l'embryon, à le mettre en solution, et à observer les mouvements cellulaires qui suivent. Dans une solution saline simple, le pôle amputé se referme sur lui-même et reforme une boule de cellules (image de gauche) - source photo.
En revanche, lorsque l'on met une petite protéine appelée "activine" dans la solution, la situation s'anime. Après avoir formé la petite boule de cellules, un nouveau ballet cellulaire se met en place (image de droite). De façon étonnante, les cellules du pôle animal semblent littéralement enclencher leur propre programme de gastrulation, et finissent par former un espèce de tube, tout à fait similaire au tube neural qu'on observe dans l'embryon complet.
Les conclusions de cette expérience sont nombreuses. D'abord, il semble que bien avant la gastrulation, les cellules du pôle animal "savent" qu'elles vont donner le système nerveux. Comment, pourquoi, c'est un mystère. Ensuite, notons qu'un signal précis, l'exposition à l'activine, suffit pour déclencher le programme cellulaire de mouvements et de différentiation en tissu neural. Il faut savoir à ce stade que l'activine, dans l'embryon de Xenope, est un morphogène : c'est une protéine qui est présente à concentrations variables dans différentes parties de l'embryon et qui semble influencer la nature des destinées cellulaires. On a donc une preuve formelle avec cette expérience qu'un signal génétique est nécessaire et suffisant pour déclencher les mouvements cellulaires et les effets mécaniques liés à la gastrulation.
Par ailleurs, cette expérience montre qu'on peut avoir croissance du tube neural sans la totalité des mouvements cellulaires observés dans la gastrulation. Les cellules savent individuellement quoi faire, le développement est pour ainsi dire "modulaire" : le tube neural peut se développer indépendamment du reste, et ne semble pas nécessiter la formation de "tourbillons" dans l'embryon complet (contrairement à ce qui est suggéré par Vincent Fleury dans son livre). Autrement dit, la gastrulation ne résulte pas d'un effet collectif, autoorganisé; mais plus de la juxtaposition de comportements individuels. Il y a bien sûr quelques contraintes internes, mais cette expérience montre que potentiellement, des organes peuvent se développer seuls; tout n'est qu'une question de stimulation génétique adéquate.
L'image ci-contre (source photo) représente des oeufs de Xenope, probablement juste avant la fécondation. Chaque oeuf n'est qu'une seule grosse cellule, avec beaucoup de matériel de base : rappelons que le tétard se développe presque entièrement avant d'être capable d'avaler quoi que ce soit. On voit très bien les deux pôles de l'oeuf : le pôle animal pigmenté et le pôle végétal plus clair. Après la fécondation, le pôle végétal devient plus dense (pour une raison mystérieuse pour moi) si bien que tous les embryons tournent leur pôle animal vers le haut; c'est d'ailleurs ce qui permet de savoir si un oeuf est fécondé.
S'ensuit alors une suite de divisions cellulaires par "clivage" : l'oeuf, grosse cellule unique d'1mm se divise en multitude de cellules, jusqu'à atteindre le stade blastula (voir dessin ci-contre, tirée d'un site illustrant toutes les étapes de la gastrulation). On reconnaît toujours le pôle animal pigmenté; de l'extérieur toutes les cellules ont l'air plus ou moins identiques.
Peu après commence la gastrulation qui aboutira à la formation du plan de base de l'organisme. Rappelons que c'est à ce moment que les choses sérieuses commencent : des mouvements cellulaires vont se produire, et en particulier, dans un ballet cellulaire complexe, les cellules du haut du pôle animal vont migrer, se déplacer le long de l'embryon, puis rentrer à l'intérieur de celui-ci, remonter le long du futur tube digestif pour former le système nerveux central.
Evidemment, l'une des questions centrales est de savoir pourquoi et comment tout ceci se met en place. Et certaines expériences tout à fait fascinantes nous éclairent déjà sur les rôles respectifs de la génétique et de la mécanique dans ce procédé.
Une expérience classique consiste à découper une partie du pôle animal de l'embryon, à le mettre en solution, et à observer les mouvements cellulaires qui suivent. Dans une solution saline simple, le pôle amputé se referme sur lui-même et reforme une boule de cellules (image de gauche) - source photo.
En revanche, lorsque l'on met une petite protéine appelée "activine" dans la solution, la situation s'anime. Après avoir formé la petite boule de cellules, un nouveau ballet cellulaire se met en place (image de droite). De façon étonnante, les cellules du pôle animal semblent littéralement enclencher leur propre programme de gastrulation, et finissent par former un espèce de tube, tout à fait similaire au tube neural qu'on observe dans l'embryon complet.
Les conclusions de cette expérience sont nombreuses. D'abord, il semble que bien avant la gastrulation, les cellules du pôle animal "savent" qu'elles vont donner le système nerveux. Comment, pourquoi, c'est un mystère. Ensuite, notons qu'un signal précis, l'exposition à l'activine, suffit pour déclencher le programme cellulaire de mouvements et de différentiation en tissu neural. Il faut savoir à ce stade que l'activine, dans l'embryon de Xenope, est un morphogène : c'est une protéine qui est présente à concentrations variables dans différentes parties de l'embryon et qui semble influencer la nature des destinées cellulaires. On a donc une preuve formelle avec cette expérience qu'un signal génétique est nécessaire et suffisant pour déclencher les mouvements cellulaires et les effets mécaniques liés à la gastrulation.
Par ailleurs, cette expérience montre qu'on peut avoir croissance du tube neural sans la totalité des mouvements cellulaires observés dans la gastrulation. Les cellules savent individuellement quoi faire, le développement est pour ainsi dire "modulaire" : le tube neural peut se développer indépendamment du reste, et ne semble pas nécessiter la formation de "tourbillons" dans l'embryon complet (contrairement à ce qui est suggéré par Vincent Fleury dans son livre). Autrement dit, la gastrulation ne résulte pas d'un effet collectif, autoorganisé; mais plus de la juxtaposition de comportements individuels. Il y a bien sûr quelques contraintes internes, mais cette expérience montre que potentiellement, des organes peuvent se développer seuls; tout n'est qu'une question de stimulation génétique adéquate.
3 commentaires:
"des oeufs de Xenope, probablement juste avant la fécondation"
Si c'est avant la fécondation, ce ne sont pas des œufs mais des ovules ; à la vue de la suite du paragraphe, je suppose que tu voulais écrire "juste après"...
Je parlais bien d'avant la fécondation, car les pôles ne sont pas encore orientés comme il faut.
Maintenant, je suis d'accord qu'"oeuf" est un peu inapropprié, mais il faut bien voir que c'est ce qui est effectivement pondu. L'expression anglaise désignant la ponte est "to lay eggs", et mes collègues utilisent "eggs" et pas oocyte. J'ai du mal à imaginer qu'on dise "pondre des ovocytes" ou "pondre des ovules", d'où peut-être mon raccourci.
Bonjour
franchement, je ne comprends pas vos interprétations à partir de ces manips. Vous manquez d'esprit critique
1) vous confondez les paramètres d'un problème et la loi générale évidemment que si vous changez des paramètres physiques ou chimiques, les contractions auront une allure différente
2)Est-ce que vous obtenez un animal par ces manips? Si non, quelle conclusion cela vous permet de tirer par rapport au cas normal?
3)comment savez vous que les cellules étaient commises pour faire quelque chose; à partir du moment où un pli se forme, il a une allure de crête neurale, de toute façon
4) qu'un signal chimique soit suffisant et nécessaire pour déclencher peut-être, mais ça veut dire quoi, exactement, dans ce cas, suffisant et nécessaire? Que ce soit le déclencheur, qu'est-ce que cela implique pour le mouvement lui-même? Et s'il y a des gradients dans l'animal réel, à quoi sont -ils dûs?
5)qu' on puisse faire un morceau ressemblant à un tube ou une patte sans la totalité de l'animal, peut être, mais vous ne ferez jamais le morceau tel qu'il est dans l'animal normal. C'est particulièrement vrai des pattes générées avec des facteurs de croissances ectopiques qui ne sont jamais des pattes exactement normales.
6) les boules déformées de ces images ressemblent tout à fait à ce qu'on obtient d'un modèle hydrodynamique simple (ampoule) auto-organisé
sans la mécanique, aucun de ces mouvements n'existent, par définition.
comment pouvez vous dire que les cellules savent "indivuellement quoi faire" à partir d'une telle manip? Et ça voudrait dire quoi "savent individuellement quoi faire?" Précisez.
je n'ai jamais dit qu'un tube neural nécessite des tourbillons, bien au contraire (voir par exemple les poissons en caoutchouc de mon livre) je dis que pour faire un quadrupède avec un tube neural au centre, il faut des tourbillons, un tube neural, c'est un pli, les pattes c'est les enroulement. La contrainte au centre plie le dos en forme de tube + crête neurale. Si ça s'enroule franchement vous avez en plus les pattes. J'ai plein d'images de ça, si vous voulez je vous en passe. Ces enroulements existent.
Je ne vois pas en quoi cette manip contredit ma théorie, bien au contraire.
Cette expérience ne vous permet pas de dire que ce n'est pas un processus auto-organisé, une fois déclenché
Allez voir le film de gastrulation sur le site de Ray Keller lab (en haut à gauche), et dites moi ce que ça vous inspire, par rapport aux "inductions" et des cellules qui savent indviduellement où aller etc.
L'image de gastrulation que vous donnez sur votre site est mal faite, on voit bien que le dessinateur n'a pas compris le mouvement, il faut regarder le mouvement suivant une vue verticale pour comprendre.
etc. etc.
Bien à vous et
Bon courage avec vos auditions.
vf
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