Evolution de la spéciation 3 : chiralité des escargots ...
Ah la la ces scientifiques... Ils vous affirment de façon péremptoire qu'un seul gène ne suffit pas pour entraîner une spéciation. Le raisonnement semble précis, parfait et incontestable. Et patatras, deux Japonais nous sortent un contre-exemple qui tue (Rei Ueshima at Takahiro Asami, Nature 425, 679 (2003)).
Il existe donc un genre d'escargot, poétiquement appelé Euhadra, parmi lequel 4 espèces parmi 20 ont une chiralité gauche (cf mon billet sur l'orientation des cheveux). Il se trouve que certaines de ces espèces de chiralités différentes sont très proches et dérivent en fait l'une de l'autre. Plus surprenant, la chiralité est contrôlée par un seul et unique gène, ayant deux allèles, que nous noterons D comme "dextre" (chiralité droite) et s comme "sinistre" (chiralité gauche). s est récessif par rapport à D. Il se trouve par ailleurs que les escargots peuvent uniquement se reproduire avec des individus de même chiralité : en effet, les organes génitaux sont orientés. Du coup, un escargot dextre ne peut pas copuler avec un escargot sinistre : les individus "DD" et "ss" ne peuvent se reproduire entre eux, et forment donc deux espèces différentes...
Reprenons donc notre histoire de spéciation. Pour simplifier, supposons que toute notre population est de chiralité gauche (génotype "ss") et que soudain apparaît l'allèle dominant dextre (on a donc un individu de génotype "Ds"). D est dominant, donc cet individu a une chiralité droite. Impossible donc pour lui de se reproduire avec les autres escargots qui ont une chiralité gauche, on retrouve le cas typique de spéciation où le mutant est "stérile".
Pour le cas inverse, c'est un peu plus compliqué, on peut avoir spéciation, mais c'est difficile. Si notre population a chiralité droite, imaginons qu'un individu "Ds" apparaît. Lui peut se reproduire avec les autres de chiralité droite et transmettre l'allèle s, dans sa descendance, on trouvera des "Ds". A un moment, il peut arriver également que certains de ses descendants copulent et génèrent des individus "ss", qui seront alors sinistres. Seulement, la majorité de la population restera dextre, donc il leur sera difficile de se reproduire, même s'il peut y avoir d'autres individus sinistres...
En fait, si la spéciation se produit assez facilement dans ce cas, c'est que l'orientation de la coquille n'est pas déterminée par le génotype de l'individu, mais par celui de sa mère ! Si une mère a génotype "ss", les enfants seront sinistres, quel que soit leur génotype. Dans tous les autres cas, les enfants seront dextres. Du coup, il est beaucoup plus facile de sauter d'une orientation à l'autre, et les allèles mutants peuvent facilement diffuser. Dans mon premier exemple, l'individu "Ds" reste sinistre et peut donc se reproduire et transmettre ses gènes dans la population, augmentant la fréquence des allèles "D" et donc la probabilité d'apparition d'une sous-espèce dextre (modulo le fait que ses propres enfants se reproduisent entre eux toutefois...). Dans mon second exemple, les premiers "ss" restent dextres et peuvent donc se reproduire avec toute la population, ce qui facilite également la fixation de la mutation, avant une future spéciation... La différence majeure avec le cas que j'exposais dans le premier billet sur la spéciation est donc qu'ici le "mutant" reste fertile avec la majorité de la population, car cette fertilité est dirigée par le génotype de sa mère !
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