Carnet du petit Tom : Physique, biologie et évolution...

23 mai 2007

Réponse à monsieur Fleury

Vincent Fleury a gentiment répondu à mes critiques en commentaire d'un billet précédent. Je me permets de mettre mes réponses dans un billet indépendant. Je manque de temps malheureusement, je reviendrai sur certains points à clarifier pour moi et en fonction des réactions plus tard.

Pour être tout à fait honnête, je n'aime pas beaucoup ce genre de discussions scientifiques sur internet. Je trouve qu'en général on (moi ?) a tendance à manquer de mesure et de rigueur, ce qui est préjudiciable à l'échange, et on peut donner l'impression de prendre les choses de façon personnelle. Le format du blog, où on est plus dans l'action que la réflexion, n'est pas non plus idéal. Le ton est celui d'une conversation orale, mais c'est à l'écrit, il y a des ambiguités. Donc avant toute chose, je reconnais le fait d'écrire sans doute parfois des bêtises, même si je fais de mon mieux pour l'éviter. Comme V. Fleury m'a répondu, je me dois néanmoins de réagir :




Bonjour monsieur Fleury,
merci de votre visite et de vos commentaires. Et merci pour votre livre qui m'a beaucoup plu et fait réfléchir.

Je ne l'ai malheureusement plus sous la main, j'espère ne pas vous prêter des pensées que vous n'avez pas.

Pour les réponses, je ne parle que de mes propres observations, couplées avec des discussions avec des embryologistes. Je sens qu'il va être nécessaire d'aller plonger moi-même dans la biblio pour continuer, je le ferai et écrirai un billet plus tard, et ferai mon mea culpa si je me suis trompé.

Je ne veux surtout pas polémiquer ou "troller", je respecte énormément votre travail. Là encore, voyons cela comme une discussion, nécessitant d'être raffermie plus tard par des références à des publis en ce qui me concerne. En attendant, voici mes réponses :


franchement, je ne comprends pas vos interprétations à partir de ces manips. Vous manquez d'esprit critique



Bon, j'ai parfois l'impression d'être plutôt assez critique sur votre théorie par exemple. Quand j'ai lu votre livre, j'étais vraiment enhousiaste ! Après je me suis juste posé quelques questions et demande à être convaincu car j'ai l'impression que quelques trucs ne "collent" pas. Je suis peut-être au contraire trop fermé d'esprit, mais, convaincu, j'aurai alors la foi des convertis.

Sur ces manips, j'essaie juste de réfléchir un peu à voix haute sur ce blog; mes pensées sont peut-être parfois naïves je vous l'accorde, mais aucun de mes billets n'a vocation à être une publication scientifique. D'ailleurs, c'est aussi pour cela que je préfère rester anonyme : cela me donne une liberté de ton que je n'aurais pas autrement, même si je risque parfois d'en dire ou faire trop, quitte à passer pour un imbécile; j'essaie de faire attention et de me modérer dans tous les cas.


1) vous confondez les paramètres d'un problème et la loi générale évidemment que si vous changez des paramètres physiques ou chimiques, les contractions auront une allure différente



Mais en quoi dis-je le contraire ? Je ne comprends pas votre objection, si objection il y a.


2)Est-ce que vous obtenez un animal par ces manips? Si non, quelle conclusion cela vous permet de tirer par rapport au cas normal?


Non on n'obtient pas un animal. Mais on obtient un axe antéro-postérieur, et plus tard, des tissus différenciés (somites, muscles, coeur, entre autres, dixit l'embryologiste qui m'a montré cette expérience). Presque un tétard donc.


3)comment savez vous que les cellules étaient commises pour faire quelque chose; à partir du moment où un pli se forme, il a une allure de crête neurale, de toute façon

Ce n'est pas juste une question de forme ou de mouvement; c'est aussi une question de marqueurs génétiques. On sait aussi reconnaître tel ou tel organe... parce qu'il y a des expressions génétiques associées aux cellules de celui-ci.


4) qu'un signal chimique soit suffisant et nécessaire pour déclencher peut-être, mais ça veut dire quoi, exactement, dans ce cas, suffisant et nécessaire? Que ce soit le déclencheur, qu'est-ce que cela implique pour le mouvement lui-même? Et s'il y a des gradients dans l'animal réel, à quoi sont -ils dûs?


Pour les gradients dans l'animal, même si on ne comprend pas encore tout, vous savez aussi bien que moi d'où les premiers gradients viennent, chez Xenopus ou Drosophila : la mère localise des ARN dans l'oeuf, et une fois transcrits, ces ARN forment un gradient de concentration de protéine.

Pour le mouvement, je ne dis rien de plus que cela : l'expression génétique est nécessaire et suffisante pour déclencher le mouvement. Comme dans l'embryon complet le mouvement va lui-même être associé à d'autres expressions génétiques (par exemple la reconstruction du noeud de Hensen lorsqu'on l'enlève artificiellement), les expressions génétiques sont aussi capitales que les mouvements mécaniques. Les deux se parlent, et surtout l'un n'existe pas sans l'autre.



5)qu' on puisse faire un morceau ressemblant à un tube ou une patte sans la totalité de l'animal, peut être, mais vous ne ferez jamais le morceau tel qu'il est dans l'animal normal. C'est particulièrement vrai des pattes générées avec des facteurs de croissances ectopiques qui ne sont jamais des pattes exactement normales.




Donc si je comprends bien, on peut faire des pattes "à l'ordre 0" indépendantes de l'organisme, mais il faut tout l'embryon pour faire des pattes affinées "à l'ordre 1" ? J'ai l'impression que c'est quand même l'ordre 0 qui est le plus important.


6) les boules déformées de ces images ressemblent tout à fait à ce qu'on obtient d'un modèle hydrodynamique simple (ampoule) auto-organisé
sans la mécanique, aucun de ces mouvements n'existent, par définition.


Je n'ai jamais dit le contraire, mais sans la génétique, rien n'est là pour déclencher la mécanique. Encore une fois, c'est un jeu, un équilibre entre les deux.




comment pouvez vous dire que les cellules savent "indivuellement quoi faire" à partir d'une telle manip? Et ça voudrait dire quoi "savent individuellement quoi faire?" Précisez.


Je reconnais que l'expression est maladroite. Ce que je voulais dire, c'est que les cellules ont manifestement déjà une "destinée" encodée à ce stade (polarité incluse ?), un programme tout fait, puisque soumises à l'activine, elles déclenchent ces mouvements. Le point important ici est qu'à ma connaissance ce n'est pas le cas des autres cellules dans l'embryon; preuve que cette destinée est déterminée à ce stade.






je n'ai jamais dit qu'un tube neural nécessite des tourbillons, bien au contraire (voir par exemple les poissons en caoutchouc de mon livre) je dis que pour faire un quadrupède avec un tube neural au centre, il faut des tourbillons, un tube neural, c'est un pli, les pattes c'est les enroulement. La contrainte au centre plie le dos en forme de tube + crête neurale. Si ça s'enroule franchement vous avez en plus les pattes. J'ai plein d'images de ça, si vous voulez je vous en passe. Ces enroulements existent.



Je ne nie pas l'existence de ces enroulements chez certains vertébrés, je n'en sais pas assez. Je suis intéressé par toute image. Mais j'ai des doutes sur Xenope. Et j'aurais dû parler de l'axe A-P plutôt que du tube neural.

Ce que je comprends dans votre livre, c'est que c'est l'enroulement qui définit l'axe antéro-postérieur (et les membres). Je ne suis pas sûr de ça : ces manips montrent (à mon sens) qu'il peut y avoir axe sans enroulement.


Je ne vois pas en quoi cette manip contredit ma théorie, bien au contraire.

Cette expérience ne vous permet pas de dire que ce n'est pas un processus auto-organisé, une fois déclenché

Allez voir le film de gastrulation sur le site de Ray Keller lab (en haut à gauche), et dites moi ce que ça vous inspire, par rapport aux "inductions" et des cellules qui savent indviduellement où aller etc.


L'image de gastrulation que vous donnez sur votre site est mal faite, on voit bien que le dessinateur n'a pas compris le mouvement, il faut regarder le mouvement suivant une vue verticale pour comprendre.




Est-ce de cette image dont vous parlez ? Je suis d'accord qu'on ne voit pas grand chose - excepté l'involution- et qu'il vaudrait peut-être mieux avoir une vue dorsale, avec le blastopore au milieu (est-ce que vous voulez dire par vue "verticale" ?), mais elle est tirée de l'article de Keller ...

Si c'est le dessin que j'ai fait pour raconter vos théories, j'ai probablement dû mal lire votre livre alors. La vue que je proposais était une vue dorsale, avec la tête en haut, par analogie avec l'image de votre chat par exemple, et sans l'involution.





etc. etc.

Bien à vous et
Bon courage avec vos auditions.

vf



Merci pour votre réponse et vos critiques
Bien à vous
Tom

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour


1) je suis d'accord avec vous sur le pb des discussions sur internet, quand je vois la tournure que ça prend sur les chat je suis horrifié.
J'espère qu'une certain code de comportement sera progressivement établi, sinon, c'est carrément nocif. Le pb de base de toute façon c'est qu'on ne peut pas empêcher des désaxés de dire n'importe quoi.

2) concernant la petite expérience que vous décrivez, je crois qu'il faut être extrêmement prudent sur les conclusions qu'on en tire :

1.a) la pupart des manips de biologie du développement consistent à faire un truc tordu à des embryons, et après en déduire quelque chose pour le cas normal. Moi, je propose une explication très claire du cas normal, et je passe mon temps à devoir répondre à des objections du genre, si je fais tel truc tordu aux embryons il se passe ceci, expliquez.

1.b)dans le cas présent, si je comprends bien, la blastula normale est ronde. On la coupe en deux. Déjà ça, ça explose tous les gradients, y compris mécaniques.
Est-ce que, quand elle était ronde, quelqu'un attribuait la rondeur aux gradients chimiques? Par exemple: est-ce qu'elle est ronde car le cercle est une courbe iso concentration d'un morphogène? ça m'étonnerait.

On coupe en deux. Bon. ça redevient rond. Ah bon. Donc est-ce que là on invoque des morphogènes pour le retour à la rondeur? Imaginez une orange coupée en deux,quel est le champ de déformation qui vous permet de la refaire ronde, est-ce que ce n'est pas déjà un mouvement qui ressemble à celui qui est obtenu en mettant ensuite l'activine? (sorte de repliement de la moitié, en direction de la moitié absente)

Un mouvement commence quand on met l'activine. OK. SI j'ai bien compris, l'activine est mise dans le buffer, donc en concentration C=C0. la solution de l'équation de diffusion autour d'une sphère est C=C0 à la surface. Donc il n'y aucun gradient de morphogène dans cette expérience.

Donc pour moi la conclusion est : l'activine ne joue aucun rôle dans ce phénomène. Il déclenche, mais le mouvement est complètement inhérent aux cellules. Vous obteindriez la même chose avec plein de déclencheurs différents (ce qui est le cas pour de nombreuses expériences de biologie du développement: chocs électriques, activateur ceci, facteur de croissance cela, et on obtient la même chose au final)

Il suffit d'avoir des cellules motiles, avec une brisure de symétrie initiale (genre, j'ai coupé la poire en deux) et ça vous fabrique d'office un allongement vers l'arrière en forme d'ampoule.

Il se trouve qu'en se comprimant comme ça vers l'arrièe, ça plie et amène les cellules comme il faut pour que ça ressemble à une crête neurale, et les cellules adopteront les bons types par différentiation, suite à la contrainte et aux mises en vis -à-vis des bonnes polarités apico-basales etc.

1)c la gastrulation démarre sur un poulet quand il y a quelques dizaines de milliers de cellules, pour le xénope je en sais pas. D'un bout à l'autre d'un axe a-p par exemple, il y a donc quelques centaines de cellules. Si gradient il y a, il est donc discrétisé sur 8 bits environs. Est-ce que les cellules ont des détections de niveaux discrétisés sur 256 niveaux? J'ai demandé un jour à un biologiste combien de niveaux une cellule était capable d'interpréter réponse : trois. Je suis d'accord, c'est rhétorique, mais je ne vois pas les cellules utiliser un gradient chimique comme information de position.

1.d) Je suis d'accord que certaines cellules peuvent être différentiées pour être motiles et d'autres pas, et qu'il y a une ségrégation initiale des blastulas moitié nord-moitié-sud


2)à propos de "Donc si je comprends bien, on peut faire des pattes "à l'ordre 0" indépendantes de l'organisme, mais il faut tout l'embryon pour faire des pattes affinées "à l'ordre 1" ? J'ai l'impression que c'est quand même l'ordre 0 qui est le plus important."

Non, ce n'est pas ça que je voulais dire : dans une embryon normal, le même mouvement positionne directement toutes les parties à l'ordre 1, c'est la même brisure de symétrie qui crée le dos les pattes, la tête etc. DOnc l'embryon normal il est bien fait d'office, par définition.
Si vous faites des expériences in vitro, avec une boule de cellules vous pouvez peut-être faire un pseudo-dos ou une pseudo-patte, mais à chaque fois en mimickant un compartiment du mouvement naturel. Pas avec des inductions chimiques.
En outre, si vous ne mimickez pas le mouvement complet, aucune de vos expériences ne donnera un résultat réaliste (ce qui est le cas).

Conclusion, dans l'expérience de l'activine, on peut penser : "ah j'ai fait quelque chose de vachement ressemblant à une crête neurale donc c'est commis chimiquement". Je pense l'inverse : si c'était commis chimiquement, vous auriez fait exactement une crête neurale. le fait que vous ne refassiez pas quelque chose de réaliste prouve que ce sont les conditoons aux limites initiales et le bon mouvement qui déterminent le vrai truc, pas l'induction chimique (sinon, justement, on serait capable de faire de vraies pattes ou de vraies dos d'ordre 1)

3) à propos de :

"Je n'ai jamais dit le contraire, mais sans la génétique, rien n'est là pour déclencher la mécanique. Encore une fois, c'est un jeu, un équilibre entre les deux"

oui, d'accord, mais notez bien que la pluart des explications actuelles de biologie du développement sont basées sur des discours du genre, si je mets tel p'orduit j'obteins tel résultat.
Le problème ets que si vous n'avez pas une vision conceptuelle en termes de diagramme de morphologies possibles, des résultats, vous n'avez aucune idée si la forme aiobtenue est juste une petite modification, ou une modification énorme du cas de référence. Or, quand on commence à comprendre quel est l'espace des paramètres et comment ça s'enroule, on voit bien qu'en changeant un peu les paramètres on fait très facilement un animal plus allongé, ou plus en ampoule, ou avec des pattes plus écartées etc, suite au transport dans uné coulement adimensionné qui, lui, est très simple.
Conclusion: c'est un peu comme les paraboles des boulets de canon: vous pouvez dire il est nécessaire et suffisant d'appuyer sur le bouton pour que l'obus fasse telle trajectoire parabolique, mais l'espace des paraboles est indépendant du bouton, et même de la poudre, et même de la planête.
Il est TRES FACILE d'obtenir un allongement en forme d'ampoule d'un disque avec un champ de déformation extrêmment simple de type deux jets allant l'un vers l'autre. La génétique, en tant que telle, ne joue aucun rôle dans cette famille générique d'écoulements.


3) à propos de :

"
Je ne nie pas l'existence de ces enroulements chez certains vertébrés, je n'en sais pas assez. Je suis intéressé par toute image. Mais j'ai des doutes sur Xenope. Et j'aurais dû parler de l'axe A-P plutôt que du tube neural."

non, non, il y a bien un enroulement toujours, même chez le Xenope. Et même la manip que vous montrez, c'est un enroulement. c'est peut-être pas évident, mais écrivez seulement le champ de déformation nécessaire pour produire une contraction dans une direction, et un allongement dans l'autre, ça contient forcément uen recirculation autour d'un point de stagnation. COmme il y a un biais dû à la condition initiale, ,l'enroulement est excentré vers le bas, c'est pour ça que le résultat est une ampoule.

Il y a des images de ce genre d'allongement en ampoule sur mon site.

"Ce que je comprends dans votre livre, c'est que c'est l'enroulement qui définit l'axe antéro-postérieur (et les membres). Je ne suis pas sûr de ça : ces manips montrent (à mon sens) qu'il peut y avoir axe sans enroulement."

Oui et non, un axe d'accord, mais pour le fabriquer, il faut un mouvement, et les lois de la physique des contractions visco-élastiques impliquent des recirculations (vorticité)

5) Le dessin, oui je parlais de celui de Keller, si on montre la gastrulation comme ça, c'est déjà le signe qu'on n'a pas compris. Il faut la montrer de face, en regardant le dos et les quatre membres présomptifs, avec les enroulements, et le trou au milieu dans le cas des oiseaux/mammifères, et là tout devient très clair (il me semble).

6) Au cours de la collision des jets, les centres basse-pression se comportent comme des singularités de pression, et la formation du dos se résume à une collision visco-élastique de quatre singularités (comme des anneaux tourbillons).

Résultat ça s'allonge dans le sens épaules-bassin de façon complètement autoroganisée. C'est impossible de faire ça avec un gradient, car le point de stagnation est au nombril. En plus ça tourne, et quand il y a de la vorticité, le gradient est perpendiculaire aux lignes de flux (effet tornade : le gradient de pression est vers le centre) Pendant l'enroulement, les cellules ne remontent pas des gradients (mouvement rotationnel)

L'allongement dû à la collision étire et amoindrit le domaine qui sera le centre de morphogenèse des bras et des jambes. C'est pourquoi les animaux très allongés ont des membres très petits, voir pas de membres du tout.

7)
Votre compte rendu de ma théorie et vos dessins sur votre blog sont parfaits. C'est exactement ça.

Bien à vous

vf

Anonyme a dit…

Bravo, Tom, ta description de la communication scientifique professionnelle par moyen de blogs (internet) est très précise, mais au lieu de mettre “moins” (“–”) devant ses particularités, il faut y mettre un “plus” (“+”) qu'on pourrait généraliser comme la vraie liberté d'expression qui excède par ses avantages toutes les “bêtises” possibles qu'on risque de produire. (Puisque tu continue de blogger très activement, je pense qu'au fond tu y crois, toi aussi.) Surtout dans cette situation de la stagnation critique qu'on a aujourd'hui dans le développement de la science fondamentale, il fallait revenir, au niveau des moyens “modernes”, aux bonnes vieilles pratiques (déjà oubliées) d'échange scientifique dans un discours libre, ouvert, public (et aujourd'hui mondialement accessible, heureusement!). S'il y a quelque chose qui peut sauver la science et relancer son vrai développement au niveau supérieure, c'est bien cette communication beaucoup plus ouverte et “interactive” à l'échelle globale. Parce que le “système” habituel de soi-disant “rigueur” professionnel s'est transformé presque complètement dans un marrais stagnant de “post-modernisme” privé de sens (contenu), corruption et trafique d'influence complètement subjective (organisation). Il faut discuter, critiquer, “attaquer” et ... trouver la vérité, sans oublier que le seul chemin qui mène à elle n'est jamais privé des “bêtises” occasionnelles et “irrégularités” de toute sorte, mais le prix ... le prix mérite tous ces efforts et petits “énervements”. [On attribue, plutôt sincèrement, que des bonnes qualités à Pierre-Gilles de Gennes qui vient de disparaître, mais est-ce que sa différence des autres “maîtres de recherches” modernes n'était pas dû à sa liberté de pensée élevée, inévitablement “irrégulière” dans sa forme, mais décidemment positive par son résultat?] Le système de connaissance plus harmonieuse, créative et “gentille” à la fois, ne serrait pas impossible, mais justement pour le retrouver, il faut maintenant beaucoup plus d'efforts “extraordinaires” et surtout interactifs. C'est l'objectif qui doit être “idéal”, pas le chemin. Des “excès” peu désirables sont à éviter, mais un excès réel et complètement dominant dans ce système de la science administratif et bureaucratique d'aujourd'hui c'est justement sa séparation grandissante de la vie réelle et de chaque possibilité de changement qui en effet constitue la vie, la réalité qu'on prétend de former (et on ne peut plus éviter cela). Alors, back to reality, chers amis, et sans être idéals, ayons plus de peur de trop d'excuses que de trop de bêtises!

Anonyme a dit…

Bravo, Tom, ta description de la communication scientifique professionnelle par moyen de blogs (internet) est très précise, mais au lieu de mettre “moins” (“–”) devant ses particularités, il faut y mettre un “plus” (“+”) qu'on pourrait généraliser comme la vraie liberté d'expression qui excède par ses avantages toutes les “bêtises” possibles qu'on risque de produire. (Puisque tu continue de blogger très activement, je pense qu'au fond tu y crois, toi aussi.) Surtout dans cette situation de la stagnation critique qu'on a aujourd'hui dans le développement de la science fondamentale, il fallait revenir, au niveau des moyens “modernes”, aux bonnes vieilles pratiques (déjà oubliées) d'échange scientifique dans un discours libre, ouvert, public (et aujourd'hui mondialement accessible, heureusement!). S'il y a quelque chose qui peut sauver la science et relancer son vrai développement au niveau supérieure, c'est bien cette communication beaucoup plus ouverte et “interactive” à l'échelle globale. Parce que le “système” habituel de soi-disant “rigueur” professionnel s'est transformé presque complètement dans un marrais stagnant de “post-modernisme” privé de sens (contenu), corruption et trafique d'influence complètement subjective (organisation). Il faut discuter, critiquer, “attaquer” et ... trouver la vérité, sans oublier que le seul chemin qui mène à elle n'est jamais privé des “bêtises” occasionnelles et “irrégularités” de toute sorte, mais le prix ... le prix mérite tous ces efforts et petits “énervements”. [On attribue, plutôt sincèrement, que des bonnes qualités à Pierre-Gilles de Gennes qui vient de disparaître, mais est-ce que sa différence des autres “maîtres de recherches” modernes n'était pas dû à sa liberté de pensée élevée, inévitablement “irrégulière” dans sa forme, mais décidemment positive par son résultat?] Le système de connaissance plus harmonieuse, créative et “gentille” à la fois, ne serrait pas impossible, mais justement pour le retrouver, il faut maintenant beaucoup plus d'efforts “extraordinaires” et surtout interactifs. C'est l'objectif qui doit être “idéal”, pas le chemin. Des “excès” peu désirables sont à éviter, mais un excès réel et complètement dominant dans ce système de la science administratif et bureaucratique d'aujourd'hui c'est justement sa séparation grandissante de la vie réelle et de chaque possibilité de changement qui en effet constitue la vie, la réalité qu'on prétend de former (et on ne peut plus éviter cela). Alors, back to reality, chers amis, et sans être idéals, ayons plus de peur de trop d'excuses que de trop de bêtises!

Tom Roud a dit…

Bonjour,
@ vf :

Merci de votre réponse et d'alimenter la discussion !

Je réponds/complète sur certains points

1.a) Je comprends un peu votre agacement à devoir "expliquer" les mutants mais cela fait à mon avis partie quelque part du "contrat social" entre physiciens et biologistes. Ces derniers n'ont d'intérêt pour notre travail que dans la mesure où on peut leur donner des prédictions expérimentales à tester; et la seule façon fiable de tester une hypothèse en biologie jusque maintenant est de "muter" le système d'une façon contrôlée pour voir son comportement. Je crois donc que c'est un "mal" (pour nous physiciens) nécessaire, mais qui en même temps nous assure de ne pas dire des trucs trop délirants. Je terminerai sur cette question en parlant de mon exemple favori : la segmentation de la drosophile. Cela ressemble tellement à un motif de Turin qu'un physicien serait passé à côté. Les biologistes ont étudié le système et ont vu que ce n'était pas un mécanisme de Turing. Du coup, de nouvelles questions, y compris physique, se sont posés. Tout ça pour dire que l'explication des mutants peut vraiment aider à affiner la connaissance du système (voire en fait la bouleverser).

1b) Plusieurs trucs :
- d'abord les cellules sont polarisées. Il y a clairement un côté hydrophile et un côté hydrophobe. Quand on coupe l'embryon en deux, les cellules reforment une sphère. Je suis d'accord pour dire que c'est purement mécanique à ce stade. Mais c'est parce que les cellules sont initialement polarisées. Je dis peut-être une bêtise, mais il semble également qu'avant les mouvements cellulaires, les cellules ont une "direction préférentielle" : elles ont des pseudopodes dans certaines directions et pas d'autres (voir par exemple http://gastrulation.org/gastrulation_ch13fig4.jpg) . J'avoue mon ignorance concernant les mécanismes d'établissement de ces pseudopodes chez Xénope, mais chez la droso, on sait que les cellules peuvent se polariser ainsi justement sous l'influence des gradients de morphogène.

Vous dites :

"Donc pour moi la conclusion est : l'activine ne joue aucun rôle dans ce phénomène. Il déclenche, mais le mouvement est complètement inhérent aux cellules."

Je suis plutôt d'accord sur le fait que la nature du signal importe probablement peu, comme vous le dites plus bas. Mais mon hypothèse "concurrente" serait que les mouvements cellulaires sont déjà "encodés" avant, peut-être par l'établissement de polarité cellulaire due justement aux gradients de morphogène initiaux (donc la génétique peut jouer à ce stade). Et les mouvements cellulaires eux-mêmes peuvent créer des expressions génétiques localisées plus tard.


1c) "J'ai demandé un jour à un biologiste combien de niveaux une cellule était capable d'interpréter réponse : trois. Je suis d'accord, c'est rhétorique, mais je ne vois pas les cellules utiliser un gradient chimique comme information de position."

C'est typiquement le genre de question qui n'est pas du tout clair pour moi. Si on regarde l'exemple de bicoid et de la drosophile, on a 7 bandes d'Eve, chaque bande étant contrôlée par un module différent, cela fait quand même 14 niveaux ! Et on sait que c'est vraiment bicoid qui est crucial, puisque quand on multiplie les doses, les bandes se "décalent" comme prédit expérimentalement.


2) je vais faire des recherches pour savoir exactement en quoi ce tube est ou non une crête neurale ! Le truc, c'est qu'il semble que le tube soit capable de se segmenter et de se différencier plus avant, j'aimerais en savoir plus sur ce point avant de vous répondre.


3) plutôt d'accord sur le fait que les contraintes mécaniques imposent pas mal de choses (mais bon, c'est de la triche, je suis physicien ;) ).

4) Formation de l'axe et enroulement :

je suis d'accord pour dire que la façon dont se forme l'axe est un vrai problème, et j'aime bien votre idée. Mais si les cellules sont polarisées initialement par un gradient de morphogène, n'est-il pas possible de faire un axe de façon tout aussi précise ?

Pour Xénope, un truc qu'il faut que je vérifie, mais une de vos prédictions serait que les bourgeons de membres sont là juste après la gastrulation. Or, je n'ai pas l'impression que cela soit le cas chez Xénope (basé sur mes propres observations et par exemple http://xenbase.org/xenbase/original/atlas/NF/NF10-22.html).

5) je suis d'accord que si votre théorie est vraie, le dessin embrouille plus qu'autre chose. On pourrait d'ailleurs disserter longuement sur les liens entre représentations d'un phénomène et théorie scientifique sous-jacente !

Tom Roud a dit…

@ Andrei :
j'avoue que je n'ai en fait pas vraiment de religion concernant le fait de parler des sciences sur internet. Au début, ça m'amusait juste de faire un blog (je parle d'ailleurs parfois de trucs qui n'ont rien à voir avec la science). Après, je me suis dite que bloguer sur un sujet, un article, était un excellent moyen pour moi de me forcer à comprendre en détail des articles, d'en faire des résumés consultables par tous par la suite. Mais si je devais bloguer sur tous les articles que je lis, ça me prendrait beaucoup trop de temps, du coup je ne blogue que sur les trucs qui m'intéressent vraiment et me tiennent à coeur, dans un exercice qui s'apparente à de la vulgarisation. J'aime bien aussi donner mon avis en tant que doctorant, puis post-doc sur le monde de la recherche en général car je pense que c'est un milieu méconnu, y compris de certains scientifiques eux-mêmes (disons de plus de 45-50 ans, ce qui représente beaucoup de monde) qui, même s'ils le savent, ne conçoivent pas de ce que c'est que d'être non permanent aujourd'hui et de tous les sacrifices qu'on doit faire.

Pour la discussion scientifique, tout le monde s'accorde à dire que le système a pas mal de tares. D'où d'ailleurs les initiatives de peer review online et compagnie. Mais le problème est qu'il y a tellement d'enjeus financiers et surtout humains que je ne vois pas comment on peut s'en sortir. Je parlerai probablement bientôt de mon propre exemple, mais il est clair maintenant pour moi qu'on n'a pas intérêt à être trop original ou à "sortir des clous", en France en tous cas. Le salut du jeune scientifique pour pouvoir continuer à travailler (avec la "précarisation" grandissante des postes de recherche) passe par un maximum de publications dans un maximum de revues prestigieuses. Or, produire des publications, ce n'est pas nécessairement produire des idées novatrices à chaque fois (c'est même plutôt antithétique). Ah si seulement on avait le temps...

Anonyme a dit…

Bonjour


à propos de

"crois donc que c'est un "mal" (pour nous physiciens) nécessaire, mais qui en même temps nous assure de ne pas dire des trucs trop délirants. "



.

le problème c'est aussi quand des choses délirantes sont dites par l'autre bord.... on ne peut pas tout accepter...

"les cellules ont une "direction préférentielle"

oui, l'anisotropie vient d'abord de l'intérieur

"ainsi justement sous l'influence des gradients de morphogène"

oui, sans doute mais pour le cas réel chez les tétrapodes
i)il y a des mouvements de convection énorme=> les gradients s'enroulent et il faut traiter au moins une advection diffusion.
ii)les gradients sont produits par des cellules orientées=> les coefficients de diffusion sont déjà anisotropes, les directions de diffusion sont congruentes avec les champs d'orientation

iii)les intensités dépendent des forces=> les gradients sont orientés suivant les forces

iv)même s'il y a des gradients, un fluide de cellules ne se comporte pas comme une cellule unique dans une boîte de petri : les lois de conservation forcent les écoulements (exemple: à 1D, vous pouvez mettre n'importe quel gradient, div(v)=0 impose un écoulement uniforme

conclusion, il y a peut être des gradients, mais complètements couplés aux fluides, et la mécanique de fluides imposent la forme de l'écoulement, moi je traite l'écouelemnt avec des gradients constants, si on veut (odre 0 pour reprendre votre expression) et ça donne d'office une forme d'animal raisonnable. Donc je dis simplement : le pattern d'écouelemnt est ce qui fixe génériquement la forme (due à al récirculation hyperbolique autour du point neutre).

"C'est typiquement le genre de question qui n'est pas du tout clair pour moi. Si on regarde l'exemple de bicoid et de la drosophile, on a 7 bandes d'Eve, chaque bande étant contrôlée par un module différent, cela fait quand même 14 niveaux ! Et on sait que c'est vraiment bicoid qui est crucial, puisque quand on multiplie les doses, les bandes se "décalent" comme prédit expérimentalement."

d'accord avec ça, j'en sais pas assez sur la question. Je m'intéresse surtout à l'enroulement chez les tétrapodes, la segmentation a lieu chez les téttrapodes alors que le pattern de forme (proportions etc.) est bien établi, déjà.

"Mais si les cellules sont polarisées initialement par un gradient de morphogène, n'est-il pas possible de faire un axe de façon tout aussi précise ?
"
oui et non: l'axe peut être vaguement indiqué dans cette direction là, mais le champ de déformation entre le moment où ça part, et le résultat final est démentiel, ça tourne replie invagine etc. C'est ce que je décris. Sans ça, vous n'avez pas un vrai animal bilatéral et tétrapode, mais seulement vaguement un dickinsonia.

"mais une de vos prédictions serait que les bourgeons de membres sont là juste après la gastrulation. Or, je n'ai pas l'impression que cela soit le cas chez Xénope "

oh oui, ils sont là. Tout dépend de ce que vous appelez "un bourgeon", ce qui compte ce n'est pas exactement à la minute près quand c'est "visible", mais pourquoi le bourgeon (les 4) va (vont) sortir "là". La réponse est dans l'enroulement lui-même et plus précisément la singularité basse pression qui commence à gauffrer vers l'extérieur dès que l'extension convergente commence à donner du relief à l'embryon (donc plutôt effectivement à la find e la gastrulation, mais l'enroulement lui-même est perceptible dès le début de la gastrulation). ça se voit sur le film de Keller en haut à gauche sur son site (Ray Keller's lab), quand les plis commencent à s'applatir.

Il y a des grenouilles qui naissent directement avec les pattes (sans passer par le têtard) on voit très bien que le bud est vers le centre de l'enroulement

Bien à vous

vf

désolé de ne pas répondre à tout j'ai à peine le temps.