Quelques trucs en vrac sur la réforme de la recherche...
J'étais parti pour parler de nouveau de la gastrulation, mais je me suis laissé happé par l'actualité.
Valérie Pécresse est donc notre nouvelle ministre de la recherche. Si j'en crois sa biographie, elle est sortie d'HEC puis de l'ENA. Autant dire que sa connaissance de la recherche est tout sauf pratique. Ce n'est pas forcément un mal mais me laisse un peu dubitatif.
Pécresse a participé à l'élaboration du pacte pour la recherche. Sur son site web, on peut lire notamment les phrases suivantes, prononcées lors d'une intervention à l'assembée le 28 février 2006 :
Quand j'ai lu ces phrases, j'ai tout d'abord bondi, et je me permets de remettre ce fameux graphe de Nature, trop peu repris à mon goût, sur le financement public de la recherche en France. Où l'on voit que les amis de Mme Pécresse sont (et de façon chronique) les seuls responsables de cette baisse de moyens.
Puis, en surfant sur son blog, je suis tombé sur la page suivante, dans laquelle elle interpelle la ministre de l'époque, Claudie Haigneré :
Cette dernière intervention était-elle téléguidée ? Elle permet à Haigneré d'annoncer des réformes à peu de frais dans sa réponse, au moment où la grogne des chercheurs commence à prendre de l'ampleur. Difficile de s'y retrouver...
Sur le fond, nous sommes néanmoins sans aucun doute dans la continuité des grands succès de la période précédente, que Sarkozy s'était attribué avec fierté dans Nature il y a quelques semaines.
Valérie Pécresse a aussi une "expertise" en matière de bioéthique. Elle a notamment participé à une cellule de travail sur le clonage, et en particulier le clonage thérapeutique. Extrait (à propos du clonage thérapeutique):
Ce passage souligne à mon avis des interrogations intéressantes sur l'organisation de la recherche, et là j'aurais besoin de vos lumières. Les labos que je connais travaillant sur les cellules souches travaillent (quasiment) exclusivement sur les cellules humaines. Est-ce général ?
L'une des raisons (il me semble) est que c'est tellement technique et difficile qu'il vaut mieux essayer de développer directement les techniques chez l'homme, plutôt que de commencer par l'animal et essayer ensuite chez l'homme en repartant (quasiment) de zéro. Les organismes modèles, c'est bien, mais si on veut faire des applications thérapeutiques, il vaut peut-être mieux travailler avec intensité dès le départ sur l'homme. Rappelons à ce stade que même parmi les insectes, les méthodes de développement peuvent être radicalement différentes; on ne comprend pas un ver de farine en étudiant seulement la mouche. Par ailleurs, il semble bien que les voies de signalisation impliquées dans le développement soient assez différentes entre l'homme et la souris par exemple. La stratégie "animal avant l'homme" ne me semble pas forcément très adaptée; on a peut-être là un exemple typique de problème posé par le partage du contrôle de la recherche entre politiques et chercheurs.
Par ailleurs, tout cela coûte extrêmement cher. Le corollaire est donc que si on décide d'attendre le clonage thérapeutique sur l'animal, il faut financer massivement à la fois les recherches sur l'homme et sur l'animal, donc doubler l'enveloppe financière (et non pas la couper en deux).
Pécresse a participé à l'élaboration du pacte pour la recherche. Sur son site web, on peut lire notamment les phrases suivantes, prononcées lors d'une intervention à l'assembée le 28 février 2006 :
Si la France se situait en 1993 au 5e rang mondial en pourcentage de la richesse nationale consacré à la recherche, avec 2,2% de son PIB, elle n’est plus que 13e aujourd’hui.
Ce constat alarmant rend nécessaire un effort financier de grande ampleur. Il nécessite aussi que les crédits affectés à la recherche soient utilisés de la manière la plus efficace possible.
Quand j'ai lu ces phrases, j'ai tout d'abord bondi, et je me permets de remettre ce fameux graphe de Nature, trop peu repris à mon goût, sur le financement public de la recherche en France. Où l'on voit que les amis de Mme Pécresse sont (et de façon chronique) les seuls responsables de cette baisse de moyens.
Puis, en surfant sur son blog, je suis tombé sur la page suivante, dans laquelle elle interpelle la ministre de l'époque, Claudie Haigneré :
Permettez moi de témoigner auprès de vous de l’inquiétude des nombreux chercheurs qui habitent dans ma circonscription. Ils se sentent menacés dans leurs travaux de recherche de grande qualité, engagés depuis plusieurs années, par le gel des crédits annoncés par votre ministère.
Cette dernière intervention était-elle téléguidée ? Elle permet à Haigneré d'annoncer des réformes à peu de frais dans sa réponse, au moment où la grogne des chercheurs commence à prendre de l'ampleur. Difficile de s'y retrouver...
Sur le fond, nous sommes néanmoins sans aucun doute dans la continuité des grands succès de la période précédente, que Sarkozy s'était attribué avec fierté dans Nature il y a quelques semaines.
Valérie Pécresse a aussi une "expertise" en matière de bioéthique. Elle a notamment participé à une cellule de travail sur le clonage, et en particulier le clonage thérapeutique. Extrait (à propos du clonage thérapeutique):
Ce qui nous a déterminés en définitive à adopter une position prudente en la matière, c’est que, pour l’instant, le clonage thérapeutique, c’est-à-dire la possibilité d’utiliser cette duplication de cellules dans des éprouvettes à des fins de santé publique, n’a donné aucun résultat sur les cellules animales ; On n’arrive pas encore à reproduire, par clonage, des tissus qui pourraient être greffés sur l’animal. Nous avons donc décidé d’attendre que le clonage thérapeutique réussisse sur l’animal avant de décider de l’autoriser pour l’être humain.
Ce passage souligne à mon avis des interrogations intéressantes sur l'organisation de la recherche, et là j'aurais besoin de vos lumières. Les labos que je connais travaillant sur les cellules souches travaillent (quasiment) exclusivement sur les cellules humaines. Est-ce général ?
L'une des raisons (il me semble) est que c'est tellement technique et difficile qu'il vaut mieux essayer de développer directement les techniques chez l'homme, plutôt que de commencer par l'animal et essayer ensuite chez l'homme en repartant (quasiment) de zéro. Les organismes modèles, c'est bien, mais si on veut faire des applications thérapeutiques, il vaut peut-être mieux travailler avec intensité dès le départ sur l'homme. Rappelons à ce stade que même parmi les insectes, les méthodes de développement peuvent être radicalement différentes; on ne comprend pas un ver de farine en étudiant seulement la mouche. Par ailleurs, il semble bien que les voies de signalisation impliquées dans le développement soient assez différentes entre l'homme et la souris par exemple. La stratégie "animal avant l'homme" ne me semble pas forcément très adaptée; on a peut-être là un exemple typique de problème posé par le partage du contrôle de la recherche entre politiques et chercheurs.
Par ailleurs, tout cela coûte extrêmement cher. Le corollaire est donc que si on décide d'attendre le clonage thérapeutique sur l'animal, il faut financer massivement à la fois les recherches sur l'homme et sur l'animal, donc doubler l'enveloppe financière (et non pas la couper en deux).
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Deux trucs glanés sur le site de SLR :- Physique française et PRL : quelques chiffres intéressants montrant qu'en physique au moins, la France fait mieux que tenir son rang.
- Sarkozy : "Pour renforcer l’attractivité de la recherche, je proposerai aux jeunes docteurs des contrats de cinq ans" (phrase tirée des réponses à Sarkozy à SLR). Compte-tenu de l'état de la recherche actuel, de l'effondrement du nombre d'étudiants en science, du sous-paiement chronique, des spécificités de certaines disciplines, du fait qu'après ces cinq ans si cela se passe mal, j'imagine mal ce que deviendront ces docteurs, ce sera alors probablement sans moi. Plus que de renforcer l'attractivité, on risque surtout de renforcer le brain drain.
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Via Koz, cet article du Figaro :
Christian Prunier, créateur en 2003 du site clochers.org, destiné aux généalogistes, reconnaît, lui, que « pour se débarrasser d'un bâtiment, il suffit de le laisser pourrir 20 ans, de l'entourer ensuite de bandes rouges pour signifier son danger puis de faire établir un arrêté de péril. La démolition n'est alors plus une honte. Elle est conseillée ».
Cela ne vous rappelle rien ?
Ajout 14h50 : Les commentaires sont rétablis (merci Matthieu !)
4 commentaires:
Tes estimations, Tom, vont dans la même direction que mon propre pessimisme (y compris dans mon dernier commentaire sur ton billet précédant) et, je crois, les “pressentiments” sur les résultats des reformes envisagées de plusieurs autres professionnels de la science. A part toute considération “objective” (aucune ne peut être définitive), on sent que “tout va se répéter”, cette fois aussi: on veut quelque chose de “très bon” au gouvernement et même on est “très motivé”, apparemment, mais finalement on ne peut obtenir que des effets secondaires et extérieures, sans l'évolution plus profonde nécessaire aujourd'hui. Non, on ne gagnera pas en sa loterie, cette fois non plus... Puisque c'est toujours comme une loterie, la science moderne: si par chance il y a une conjoncture locale très positive, on pourrait avancer, au moins “pour soi-même”, mais cela est difficile d'atteindre par ses propres efforts, indépendamment de leur quantité et qualité (contrairement à tant d'autres activités humaines). J'aimerais croire qu'une “bonne” personnalité d'un dirigeant étatique peut changer ce jeu de hasard en quelque chose plus “causal”, mais il me semble qu'ils ne sont pas que des joueurs, eux aussi, qui suivent toutes ces conjonctures, jeux de chance, etc. Ou plutôt ils sont les croupiers dans ce casino qui s'appelle La Recherche qui doivent encourager les “joueurs” (chercheurs) à investir toute leur vie dans le jeu qui donne quoi à la fin dans la plupart des cas absolue? Qui ne donne rien, tout comme participation dans n'importe quel autre jeu de hasard. Car on ne peut pas considérer une liste des articles et titres scientifiques aussitôt oubliés comme le résultat de sa vie professionnelle qui justifie l'investissement énorme. Non, ce n'est pas “sauvons la recherche”, c'est “changeons la recherche”, sinon cela ressemble vraiment un bâtiment destiné à tomber (et qui tombe déjà sur plusieurs têtes!) ...
" ils sont les croupiers dans ce casino qui s'appelle La Recherche qui doivent encourager les “joueurs” (chercheurs) à investir toute leur vie dans le jeu qui donne quoi à la fin dans la plupart des cas absolue? Qui ne donne rien, tout comme participation dans n'importe quel autre jeu de hasard."
Je n'avais jamais vu les choses comme cela, mais c'est vrai que parfois, je me dis qu'à moins d'être un futur Nobel, l'investissement professionnel et humain n'en vaut plus la chandelle, surtout quand on nous explique qu'en gros, nous, jeunes chercheurs, sommes des gros losers qui doivent encore et toujours "faire leurs preuves". Heureusement qu'il reste la motivation : apprendre, et comprendre le monde. Moi, c'est surtout cela qui m'anime en ce moment, et c'est aussi pour cela que je commence à envisager sérieusement l'expatriation prolongée : le "travailler plus pour gagner plus", est une arnaque; dans la recherche française, j'ai le sentiment surtout de "travailler plus pour avoir le droit de travailler", ce qui n'est ni efficace, ni épanouissant et donne envie de renverser la table et de se casser.
en cherchant "SLR Pecresse" sur google on tombe sur... ton blog :-)
@ blop : mystère des google rank...
Sinon, depuis ce matin, j'ai également un flot de visiteurs sur ce billet depuis wikio.
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